L’instant était à la fois attendu et redouté par les familles des deux victimes.
Pour la première fois depuis l’ouverture de son procès en début de semaine, Denis Mannechez s’est expliqué vendredi 7 décembre 2018 sur les circonstances qui ont entouré la terrible soirée du 7 octobre 2014. En cette fin de journée, Virginie Mannechez, sa propre fille avec qui il vivait maritalement – et dont l’union donnera naissance à un fils aujourd’hui âgé de 16 ans – était abattue quelques minutes après le meurtre de son employeur Frédéric Piard, aux abords du garage Tenzo de Gisors.
Le douloureux témoignage de la veuve de Frédéric
Quatre ans après, les proches des victimes se tiennent face au père incestueux. Tous ont les yeux rivés sur les trois écrans qui retransmettent les mots que Denis Mannechez tape très lentement du majeur droit, sur le clavier de son ordinateur.
C’est le seul moyen d’expression qui lui reste, après les conséquences de sa tentative de suicide qui avait suivi la tuerie de Gisors. L’homme de 56 ans se déplace en fauteuil roulant, et a perdu l’usage de la parole après s’être retourné l’arme contre lui.
Ce qui ne l’empêche pas de fixer attentivement Delphine Courant tout au long de son douloureux témoignage. Celle qui partageait la vie de Frédéric Piard est revenue avec beaucoup de détails sur la soirée au cours de laquelle « on lui a tout enlevé ».
La jeune femme témoigne courageusement, en larmes, sur cette nuit où elle est réveillée par « un jet de lumières », issu des gyrophares des deux gendarmes qui frappent à sa porte : « Madame, Frédéric ne reviendra pas ». Face à cette terrible annonce, Delphine ne peut se résigner : « Mon cerveau ne voulait pas comprendre ».
A lire aussi : Récit d’audience : Denis Mannechez, père incestueux et auteur présumé d’un double meurtre à Gisors face aux assises
Denis Mannechez impassible ?
S’ensuit une très douloureuse séquence de visionnage de photos où l’on aperçoit la famille du garagiste, leur bébé entre les mains. Denis Mannechez ne détourne pas le regard de ces clichés, tandis que le père de Frédéric, Jean-Claude Piard sèche ses yeux et que l’autre fille du prévenu Betty – qui elle aussi a subi de nombreuses relations incestueuses avec son père – fond en larmes, prostrée sur l’un des bancs réservés au public.
À cet instant précis, impossible de déceler la moindre émotion sur le visage de Denis Mannechez. Son état physique permet-il seulement l’expression de la tristesse ?
La question lui est posée un peu plus tard, au cours de l’audience : « Que ressentez-vous face à la détresse de la veuve de Frédéric ? »
La réponse est insoutenable pour sa fille Betty, qui s’effondre à une demi-heure de la fin de l’audience. La voix synthétique qui lit le texte rédigé par Denis Mannechez résonne dans un climat de silence absolu :
C’est terrible cette famille était ce que je rêvais de faire et je l’ai elle aussi détruite tout comme la mienne.
« Je voulais me suicider devant Virginie »
Le soir du double meurtre, Denis Mannechez explique « avoir perdu le contrôle ». Le père et amant de sa fille qui venait d’être délaissé par cette dernière rôdait depuis 7h du matin déjà dans sa voiture aux abords du garage. Il avait fini par retrouver la piste de Virginie qui était hébergée depuis quatre mois avec son fils sur son lieu de travail.
Dans sa voiture, Denis Mannechez a pris soin d’emporter de quoi surveiller discrètement sa fille : paire de jumelles, perruque mais aussi arme de poing. Sur la présence de cette dernière, il se justifie :
Je voulais me suicider devant Virginie.
Le prévenu explique réagir très mal alors à la privation de son fils, revivant les heures douloureuses de sa propre enfance, et l’absence de son père. Tout semble avoir basculé dans la tête de Denis Mannechez lorsqu’il aperçoit son fils aux abords du garage. Il se serait alors « revu cinquante ans en arrière », à l’heure où lui aussi espérait « voir son père ».
Et Denis Mannechez de livrer à la Cour à propos de Virginie :
J’ai tout fait ce qu’elle demandait dans sa lettre pour ne pas me priver de mon fils : trouvé un nouveau travail dans le 93, fait des démarches pour trouver une autre compagne et au moment où je la retrouve pour lui démontrer elle fuit à la gendarmerie.
L’interrogatoire du prévenu qui doit répondre du meurtre de Virginie Mannechez avec préméditation et en récidive, du meurtre sans préméditation du garagiste Frédéric Piard ainsi que de la détention d’arme prohibée de catégorie B se poursuivra dès lundi 10 décembre 2018 pour deux nouvelles semaines d’audience.