En cette période de décembre propice aux histoires de Noël, laissons le père Noël de côté pour s’intéresser à ce qui fait aussi l’un des charmes de la Bretagne : les contes et légendes.
Entre histoires inspirées d’événements réels et rumeurs sans aucun fondement, les mystères qui entourent certains des anciens récits liées à la Bretagne sont de bonnes occasions de se laisser aller à un peu de rêverie.
Parmi eux, l’histoire de la cité d’Ys, ville engloutie, sorte d’Atlantide bretonne, a inspiré bon nombre d’auteurs. Dans le livre Légendes traditionnelles de Bretagne, (édition de 1953), le journaliste, écrivain et auteur Octave-Louis Aubert, de Saint-Brieuc, raconte cette légende.
Une cité protégée par une digue
L’histoire de la cité d’Ys est liée, comme bien souvent dans les légendes bretonnes (Azénor, Comorre, Mona la fille de la terre…), à une histoire de fesses. En l’occurence, celles de Dahut, fille du roi de Cornouaille Gradlon le Grand et d’une sorte de divinité reine du Nord.
Pour sa fille, le roi Gradlon fait construire une merveilleuse cité, la cité d’Ys, appelée aussi Is, ou Ker-Ys. Une ville située sous le niveau de la mer et protégée par une puissante digue. On notera quand même la prise de risque.
Pour que les pêcheurs puissent en sortir, il fallait faire jouer l’écluse et seul le roi Gradlon pouvait décider de l’ouvrir ou de la fermer. Il portait toujours à son cou la clé servant à ouvrir l’écluse.
Dans Légendes traditionnelles de Bretagne, son auteur Octave-Louis Aubert situe approximativement la cité d’Ys dans le Finistère Sud.
Qu’on la situe à la pointe du Raz, dans la baie de Douarnenez, dans la baie d’Audierne ou à l’extrémité de la chaussée de Penmarc’h, peu importe. On sait seulement que cette ville disparut sous les flots à une époque indéterminée, peut-être au début du VIe siècle, peut-être antérieurement à la venue de César.
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Une ville de débauche
Toujours est-il que, Dahut, la fille de Gradlon, s’ennuyait à mourir dans sa ville super protégée.
Et comme il faut toujours un responsable, la jeune femme avait pris en grippe l’évêque de Cornouaille, saint Corentin. Elle l’accusait de rendre la ville triste et ennuyeuse, alors qu’elle recherchait luxe, volupté et beaucoup de moins de calme.
La jeune effrontée fait alors de sa cité « une ville de plaisir et de débauche ». Octave-Louis Aubert raconte :
Chaque soir, Dahut se fait amener dans son palais les jeunes gens qu’elle a choisis pour victimes. Ses serviteurs leur couvrent la figure d’un masque. Ils demeurent auprès de la fille du roi jusqu’à la naissance du jour. Quand celui-ci paraît, les ressorts dissimulés à l’intérieur du masque se détendent et étranglent l’amant d’une nuit.
Pas très sympa le coup de l’appel du sexe pour finir jeté du haut d’une falaise dans l’océan.
Bien conscients de cette débauche, l’évêque Corentin et Saint-Guénolé, le fondateur de l’abbaye de Landévennec et proche du roi, avertissent à plusieurs reprises les habitants. Il faut se méfier de la colère divine.
Le goût amer du péché
Et évidemment, cette tendance au péché revient comme un boomerang dans la face de Dahut, qui disons-le, l’avait un peu cherché.
Un soir, au cours d’une de ses folles orgies, Dahut vole la clé de l’écluse à son père, et s’en sert pour ouvrir les vannes de la ville. Provoquant la montée des eaux et submergeant la cité.
Selon d’autres versions (aux conséquences identiques), c’est un prince, tout de rouge vêtu, qui aurait débarqué dans la cité, comme le rapporte Bretagne.com.
Dahut serait tombée tombe raide dingue amoureuse, et au cours de la soirée, la jeune femme aurait volé la clé de l’écluse dans la chambre de son père pour la donner à son nouvel amant.
Sauf qu’elle n’avait pas compris visiblement que l’étranger en question était le diable envoyé par Dieu pour corriger la ville pécheresse. L’étranger se sert alors de la clé pour ouvrir les vannes de l’écluse. La cité, évidemment, est aussitôt submergée.
Devenue une sirène ?
Réveillé par la montée des eaux et ne connaissant pas la traîtrise de sa fille, le roi essaie de s’enfuir avec Saint-Guénolé, en essayant au passage de sauver sa belle Dahut. Il monte à cheval, récupère sa fille mais se trouve alourdi, en train de chevaucher dans les vagues.
Pas fou, Saint-Guénolé annonce la couleur : pour survivre, il faut abandonner la fille à son triste sort. C’est elle qui, après tout, est à l’origine du désastre. Le roi s’exécute et abandonne sa fille dans les flots.
Selon la légende rapportée par Octave-Louis Aubert, Dahut serait depuis devenu une sirène, la Mary-Morgan, la fille de la mer « qui peigne ses cheveux blonds comme l’or, au soleil de midi, et dont les chants sont plaintifs comme les flots ». Si vous la voyez, vous lui passez le bonjour.
Dans Les Souvenirs d’Enfance et de Jeunesse, Ernest Renan ajoute :
Les jours de tempête, on voit dans le creux des vagues le sommet des flèches et des églises ; les jours de calme, on entend monter de l’abîme le son des cloches, modulant l’hymne du jour…
A l’occasion, ouvrez l’œil, on ne sait jamais, vous tomberez peut-être sur la ville engloutie…