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À Dieppe, il conçoit des trompe-l’œil pour remplacer les vitraux des églises

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René Kormann, le patron, présente un des panneaux posés à la cathédrale de Soissons.

René Kormann, le patron, présente un des panneaux posés à la cathédrale de Soissons. (©Camille Larher)

Avant lui, personne n’en avait réalisés ! René Kormann, un imprimeur basé à Dieppe (Seine-Maritime), conçoit des trompe-l’œil pour remplacer les vitraux endommagés. Actuellement, il travaille pour la cathédrale de Soissons dans les Hauts-de-France. Une des architectes des Bâtiments de France a pensé à lui après une collaboration autour du papier peint ancien.

En effet, l’entreprise Incréation, spécialisée en impression numérique à très haute définition, est déjà intervenue pour remplacer des décorations murales abîmées. Comme au château de La Roche-Guyon dans le Val-d’Oise, où René Kormann est venu poser un papier peint ressemblant à s’y méprendre à l’original, datant du 18e siècle. « Il s’agit d’une reproduction à l’identique », dit-il.

De nombreux vitraux ont disparu à Saint-Jacques. Ils pourraient bénéficier de trompe-l’œil.

De nombreux vitraux ont disparu à Saint-Jacques. Ils pourraient bénéficier de trompe-l’œil. (©Camille Larher)

Nouvelle technique

Pour les vitraux, l’idée est la même : proposer de manière temporaire des structures pouvant remplacer les verres abîmés ou cassés. L’imprimeur dieppois est le seul à y avoir pensé. Une nouvelle technique qui pourrait révolutionner le monde de l’art.

Les édifices religieux doivent faire face au vieillissement inéluctable de leur structure, et leur restauration demande des fonds importants. Les communes tardent à lancer les travaux. Une fois déposés, les vitraux des églises sont souvent remplacés par des plaques de Plexiglas transparent ou du verre blanc. René Kormann dit, souriant :

« Aujourd’hui, nous sommes en mesure de réaliser des occultations provisoires. »

Pour cela, il utilise lui aussi des plaques de Plexiglas sur lesquelles il vient apposer un vinyle adhésif sur lequel le dessin a été imprimé. Des tests ont débuté il y a un an dans son atelier à Dieppe.

Lire aussi : Près de Dieppe, le parc des Moutiers se refait une beauté pendant 18 mois

5 millions de pixels

Dans un premier temps, le directeur d’Incréation a dû escalader le chœur pour prendre des photographies en haute résolution des cinq verrières à remplacer à Soissons. Il a utilisé un appareil Canon de 5 millions de pixels avec un téléobjectif de 400 millimètres. Puis il a balayé les vitraux pour prendre un maximum de détails en photo. Et rassembler le tout grâce à un logiciel.

« Alors, évidemment le plastique n’est pas l’idéal, confie René Kormann. Mais il permet de trouver une solution temporaire ». Le Plexiglas est très résistant et anti-UV. Les vitraux d’origine, à la cathédrale de Soissons, datent du 13e siècle. Ils sont en cours de restauration aux ateliers Berthelot.

En tout, l’imprimerie Incréation a réalisé des trompe-l’œil pour cinq verrières d’environ 35 panneaux. Depuis près de trois semaines, le travail de pose a commencé. Le chantier se terminera ce mois de novembre.

L’impression des vitraux sur le Plexiglas a été assez rapide. René Kormann utilise une imprimante spécifique et peut repasser plusieurs fois sur le vinyle pour créer des contrastes. L’effet est bluffant !

Cette technique pourrait-elle être utilisée à Dieppe pour les églises Saint-Jacques et Saint-Remy (voir encadré) ? L’imprimeur le souhaite : « Pourquoi pas… sourit-il. Nous pouvons aussi développer cette technique pour la décoration chez des particuliers. » Incréation peut proposer des dessins et motifs selon les envies de ses clients.

Si à Dieppe, l’église Saint-Rémy se présente au public avec dans une majeure partie de ses ouvertures des vitraux du 19e siècle encore en place, il n’en va pas de même pour sa grande sœur, l’église Saint-Jacques. Dénuées de la plupart de leurs vitraux, les ouvertures sont remplacées par des panneaux de verre blanc, vieillissants et se salissant au fil du temps.
Certes à Saint-Rémy, certaines ouvertures ont accueilli de larges Plexiglas installés au printemps 2012 et les vitraux initialement posés à cet emplacement ont été déposés en 2017, pour être protégés et conservés dans des caisses en bois, évitant ainsi tout risque de dégradation à cause notamment d’une maçonnerie de plus en plus fragile.
Eglise bombardée
Il est en revanche très difficile pour l’église Saint-Jacques de retrouver ces richesses anciennes, toutes détruites lors de la Seconde Guerre mondiale.
En 1945, l’église a été en effet en grande partie bombardée et les Dieppois ayant connu l’après-guerre se souviennent très bien avoir, entre les gravats, marché sur les éclats des vitraux. « Le souffle des bombes a fait voler en éclat ce patrimoine », explique Thierry Sivienne, vice-président du comité de sauvegarde de Saint-Jacques et Saint-Rémy.
Il ajoute : « Pour les vitraux manquants de Saint-Rémy, des archives existent pour savoir ce qu’ils illustraient, et d’autres vitraux en place, juxtaposés à ceux-ci peuvent explicitement nous indiquer les scènes bibliques représentées. À Saint-Jacques, c’est beaucoup plus complexe. »
Peut-on alors instaurer un tel projet comme celui réalisé pour les cinq verrières du haut chœur de la cathédrale de Soissons dans les ouvertures de Saint-Jacques ? Actuellement des verres blancs tentent de combler les espaces et soulignent ce vide et cette fragilité dont témoigne l’église.
« Il est évidemment très difficile de voir cette église souffrir. La chapelle principale consacrée à la Vierge Marie propose tout de même quelques beaux vitraux, où l’on reconnaît très bien les scènes bibliques. Cet édifice est riche d’histoire et je sais que le comité de sauvegarde des églises de Saint-Jacques et de Saint-Rémy fait un grand travail pour sa protection et sa conservation », dit le père Baranger, prêtre de l’église Saint-Jacques.
La trace du passé conservée
Ce projet qui se veut novateur et qui rend possible la conservation d’une trace du passé à Soissons pourrait permettre de redonner vie et couleurs à l’église Saint-Jacques. Malgré l’absence d’éléments historiques précis dans la composition des vitraux, les ouvertures pourraient par un graphisme plus contemporain retrouver une âme et cette dentelle de pierre pourrait ainsi encadrer ce « trompe-l’œil vitrail », dont la temporalité est assurée par un Plexiglas solide et résistant. Romane Duhamel


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