Après une huitième mobilisation des Gilets jaunes, samedi 5 janvier 2018, et des faits de violence inédits à Caen (Calvados), le chercheur normand Alban Raymond décrypte les causes d’une exaspération qui enfle, et ses conséquences.
Alors qu’elle s’était manifestée dans d’autres villes de France et notamment à Paris, pourquoi la violence n’a-t-elle éclaté à Caen qu’à l’issue du huitième samedi de rassemblement ?
« Il y a deux hypothèses. Soit les personnes d’extrême droite et d’extrême gauche qui ne sont pas contre l’usage de la violence et qui sont présentes depuis les premières mobilisations ont été étouffées dans la masse au début, soit le mouvement s’est radicalisé en termes de moyens d’action. Je penche pour cette deuxième hypothèse car l’exaspération chez certains gilets jaunes continue d’enfler depuis le début du mouvement. La violence à Caen est le fruit de l’exaspération qui monte. »
Pourquoi continue-t-elle de grandir ?
« Car les réponses proposées jusqu’à présent par le gouvernement et Emmanuel Macron ne leur conviennent pas. Pour qu’un pouvoir fonctionne, il faut que les gens qui le respectent aient confiance en lui. Avec l’exaspération qui grandit, certains ne croient plus en ce pouvoir, et du coup la violence éclate. Et ça peut continuer ces prochaines semaines. Comme je l’ai déjà dit, le mouvement va durer. »
En marge de la manifestation du samedi 5 janvier à Caen, une partie du chantier du tram a subi d’importantes dégradations liées aux violences. Était-ce une action symbolique ?
« Pour répondre à cette question, il n’est pas possible d’omettre le côté pratique des choses, avec des objets faciles à saisir à proximité pour monter des barricades, ou à lancer. Mais il est possible aussi d’y voir un signe traduisant un sentiment d’argent public mal utilisé, ou plus simplement, un coup contre une action publique. »
Que pourrait faire Emmanuel Macron pour contrer cette exaspération ?
« Il a un travail très important à mener sur sa communication. Dans sa façon de s’exprimer, il y a une forme de mépris. Il n’envoie pas un bon message quand il dit qu’il restera fidèle à sa ligne alors qu’il annonce dans le même temps amorcer une concertation nationale. C’est incohérent. Il doit écouter, entendre et agir. »
Pratique. Dans le cadre de ses recherches, Alban Raymond poursuit ses rencontres de gilets jaunes à Caen. Pour les personnes intéressées par les entretiens destinés à ses recherches, il est possible de le contacter par mail à stephen.descola@gmail.com.