C’est devenu presque une coutume à Vétheuil, petit village du Val-d’Oise à côté de Mantes-la-Jolie (Yvelines), depuis octobre dernier. Chaque premier vendredi du mois, quelques dizaines de personnes, des habitants de la commune et des alentours, se rassemblent au pied de la mairie pour répondre à l’Appel des coquelicots. Ce mouvement national, lancé en septembre 2018, demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse (voir encadré).
Une liste des produits interdits
Mais déjà, les choses évoluent. Depuis le 1er janvier dernier, l’achat, l’utilisation et le stockage de ces produits, comme le glyphosate, sont strictement interdits pour les particuliers. Pour s’assurer que la mesure est appliquée, ces sympathisants de la cause écologiste veulent aller directement chez l’habitant, récupérer les vieux bidons qui peuvent traîner sur les étagères. Pour les remettre ensuite aux services techniques de la Ville, afin que ces derniers les déposent en déchetterie. « Cela évitera que les gens se disent : allez, on le finit, après on n’en utilisera plus, explique Ludovic Labreuil, un apiculteur à l’origine de la mobilisation à Vétheuil. Nous allons éditer une liste des 400 produits interdits pour faciliter le travail de tri à la maison. »
« Ravages » dans les ruches
Ils attendent maintenant l’aval de la Communauté de communes Vexin Val de Seine (CCVVS), en charge de la collecte des déchets, avant de distribuer des tracts pour informer la population et commencer leur porte à porte. « Il faut d’abord savoir si notre personnel est habilité pour collecter ces produits dangereux pour la santé, souligne Dominique Herpin-Poulenat, maire de Vétheuil, présente à chaque rassemblement et dont la commune fait figure de précurseur en la matière. Cela fait une douzaine d’années que nous avons arrêté d’utiliser des pesticides dans les espaces publics, bien avant que la réglementation entre en vigueur pour les collectivités publiques (1er janvier 2017 ndlr). »
Au-delà de cette initiative somme toute symbolique, les Coquelicots estiment qu’il « est urgent d’agir » et de bannir aussi ces produits chez les professionnels de l’agriculture. L’apiculteur, qui exploite une soixantaine de ruches dans les hauteurs de Vétheuil, constate dans son activité « les ravages » que causent ces produits. « À l’hiver 2017, j’ai perdu 80 % de mon exploitation, le dérèglement climatique et les parasites sont responsables. Les pesticides aussi, s’inquiète-t-il. En général, on constate une diminution générale du nombre d’insectes. »
« Ça commence par les micro-organismes, les plus grands organismes, puis ça finira un jour par nous », s’inquiète Valentin Alverny, dont la famille exploite un élevage de chevaux depuis 25 ans dans cette commune bordée de terres agricoles. « Nos bêtes boivent l’eau de source provenant du plateau. Elle contient forcément des résidus de ces produits chimiques, indique-t-il. On constate depuis une quinzaine d’années une augmentation des maladies. L’an dernier, une jument est morte de coliques. »
La question : l’impact sur la santé
Les études récentes montrant des taux de glyphosate anormalement élevés dans l’urine humaine n’ont fait que renforcer leurs convictions. « Quel impact cela peut avoir sur la santé, s’interroge Brigitte Dubois. Ma sœur a travaillé pendant quinze ans dans le maraîchage du côté de Nantes. Sur la quinzaine de salariés de l’exploitation, cinq ont souffert d’un cancer. »
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Parmi la quarantaine de personnes rassemblées en ce vendredi soir, la « prise de conscience » ne date pas d’hier pour certains. « J’ai arrêté totalement d’utiliser des insecticides dans mon jardin il y a quatre ans. C’est efficace mais néfaste sur le long terme », témoigne Jean-Didier, retraité de Chérence.
L’appel des Coquelicots a recueilli un peu moins de 200 signatures à Vétheuil. À l’échelle nationale, le compteur en affiche un peu plus de 530 000. L’objectif est d’en rassembler 5 millions d’ici octobre 2020.
Des rassemblements dans toute la France
Si la barre des cinq millions de signatures est atteinte, les Coquelicots exigeront du gouvernement l’interdiction de tous les pesticides de synthèse dans le pays. L’association « Nous voulons des coquelicots », créée en 2018 et présidée par le journaliste de Charlie Hebdo Fabrice Nicolino, compte une quinzaine de bénévoles. Elle appelle se rassembler tous les premiers vendredis de chaque mois, partout en France, pour collecter des signatures. 716 événements étaient annoncés à travers le pays en ce 1er mars.