En prélude au Kan Ha Diskan é Bro Boio, le chant et le contre-chant du peuple breton, prévu dimanche 17 mars après-midi, à Bignan. Myriam Guillevic invite à une conférence dans laquelle elle présentera des éléments de sa thèse de doctorat. Elle a intitulé son travail : « Pièces écrites en breton vannetais au début du XXe siècle ». Dans ce travail universitaire de haut niveau elle a éclairé ce qu’elle appelle : « le processus de traditionnalisation »
Une chanson ne naît pas traditionnelle mais qu’elle finit par le devenir. Une chanson n’est pas de prime abord une œuvre collective. Cependant elle le deviendra au fur et à mesure du temps et de la réputation que lui construiront ses divers interprètes. C’est ainsi que j’ai travaillé sur les chansons écrites durant la première moitié du XXe siècle.
Mon travail a consisté à récolter les chansons nouvelles de l’époque, à connaître qui les a écrites, qui les a signées. Je me suis préoccupée des chansons écrites au début du XXe siècle et du biais qui a permis de les faire connaître : quelle presse les a publiées, comment chacune d’elles est-elle arrivée chez les chanteurs. J’ai pu montrer que ces chanteurs sont pour une majorité des amateurs.
J’ai aussi étudié ce dont parlent les chansons, et notamment quels sont leurs sujets de prédilection. En premier lieu les chansons de ce temps parlent de la société. J’ai voulu comprendre qu’elle perception de la société offraient ses chansons. Pour cela je me suis préoccupée des auteurs de ces chansons.
Auteurs : quel portrait se dégage ?
Parmi les auteurs, certes les prêtres sont majoritaires mais ne sont que majoritaires. Ils ne sont pas la totalité des auteurs. Néanmoins ils écrivent les chansons parce qu’ils savent écrire, parce qu’ils disposent d’une culture autant orale qu’écrite. Toutefois, si l’école, en ce début XXe siècle, accueille déjà la grande majorité des citoyens, les prêtres sont des gens d’écriture, des habitués de la plume. Autre remarque, ils signent quasiment tous d’un pseudonyme, que leurs œuvres soient des chansons à vocation populaire ou qu’ils écrivent des cantiques.
Y a-t-il un thème récurrent dans ses chansons ?
Remarque importante, les prêtres écrivent très souvent des chansons d’amour. Autre remarque majeure, ces chansons d’amour sont écrites du côté féminin. Ces prêtres écrivent des chansons comme s’ils étaient des femmes. Comment comprendre cela ? D’abord parce que leur connaissance du féminin leur vient notamment du confessionnal. Il est essentiellement fréquenté par les femmes qui livrent là leurs souffrances, leurs interrogations, leurs doutes. On perçoit aussi que cette connaissance vient du confessionnal parce que le ton général de ces chansons est très moraliste. Mais néanmoins, sous le texte de la chanson, on ne devine pas le prêtre.
Pourquoi choisir des chansons du début du XXe siècle ?
En premier lieu parce qu’elles existent et qu’elles sont accessibles. Mais aussi parce que ce début du XXe siècle est caractéristique des mouvements qui traversent la société bretonne. Ainsi il y a le départ massif de la jeunesse vers Paris et les autres grandes villes, voir le bout du monde. Il y a les changements de mœurs qui sont mesurables aux changements qui interviennent dans les vêtements, dans la musique, dans la nourriture, dans la place qu’occupent les femmes dans la société. Mais il y a aussi le mouvement considérable d’exode rural. Et on comprend alors pourquoi ces chansons sont majoritairement porteuses d’un ton de regret. Elles sont peu nombreuses à saluer les transformations sociales alors à l’œuvre.
A savoir
On pourra débattre avec Myriam Guillevic, dimanche 17 mars à 10h30 à la salle des fêtes de Bignan. La conférence est ouverte à tous et l’entrée est gratuite. L’après-midi, à partir de 14h30, la salle des fêtes vibrera à nouveau au son de la tradition locale lors de la 33e édition du « Kan ha Diskan é Bro Boïo ». Une trentaine de chants du terroir, en breton ou en français, seront mis à l’honneur et interprétés en solo ou en groupes, par une pléiade de chanteurs. Depuis 1987, ce rendez-vous annuel a permis de faire revivre des centaines de mélodies et de chants à répondre, issus du répertoire local, et transmis par les générations successives de chanteurs locaux. Plus de 500 chants (50 % en breton et autant en français) ont ainsi été répertoriés et constituent un pan inestimable du patrimoine de ce secteur autrefois appelé « Bro Boïo » désignant les communes de Bignan, Colpo, St Allouestre, St Jean Brévelay, et environs). Il est possible d’en écouter une grande partie sur le site de Dastum : www.dastumedia.bzh. Entrée 3€.