Ils l’avaient annoncé, ils l’ont fait. Devant la raffinerie Total de Grandpuits-Bailly-Carrois, près de 100 gilets jaunes bloquent, ce lundi soir, les camions qui viennent s’approvisionner.
Ils comptent rester toute la nuit et poursuivre le mouvement dans la semaine, avant une manifestation samedi à Paris.
Thomas, porte-parole et administrateur des blocages pour le sud-Seine-et-Marne, explique :
On attendait les routiers, mais comme ils n’ont pas rejoint le mouvement, on a décidé d’aller bloquer tout seul. On va se relayer toute la nuit et on est prêts à passer la semaine ici. »
A 21h, quatre camions étaient déjà bloqués par les manifestants. Vides, ils viennent chercher le carburant à la raffinerie avant d’aller approvisionner les stations-services franciliennes :
« C’est notre 2e tour de chargement, on aimerait bien pouvoir rentrer chez nous », confie Christian, descendu de son camion et occupé à ce que ses collègues puissent se garer en sécurité hors de la route.
Pourtant, le chauffeur soutien le mouvement, c’est même lui qui a conseillé aux protestataires de bloquer l’entrée arrière de la raffinerie où les camions arrivent, plutôt que l’entrée principale : « Cette colère est due à l’accumulation de toutes les taxes. Quand l’Etat nous prend de l’argent c’est tout de suite, par contre quand il faut nous le rendre il faut des années. »
Et de lancer :
Avec Macron, c’est simple : il te dit ce dont tu as besoin, avant de t’expliquer comment t’en passer ! »
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— Maxime Berthelot (@mxb91) November 19, 2018
Au milieu des bras-zéro improvisés, bières à la main sorties du coffre pour les uns, thermos à café fumants pour les autres, les gilets jaunes emmitouflés exposent leurs revendications.
Victoire, qui a déjà manifesté tout le week-end, notamment à Melun, insiste sur l’aspect environnemental. Et la raffinerie Total lui semble un lieu de blocage plus que symbolique :
Le gouvernement nous explique que les taxes sur les carburant servent à financer la transition écologique, mais où est l’écologie lorsqu’on autorise Total à fabriquer du biocarburant à base d’huile de palme, c’est-à-dire à accélérer la déforestation ? «
A quelques mètres, Roman, 32 ans, est venu pour protester contre la baisse du pouvoir d’achat et les bas salaires :
J’ai travaillé dans la grande distribution et me voilà au chômage. J’ai traversé la rue comme il disait, mais je n’ai rien trouvé. Soit je suis trop qualifié pour avoir le poste, soit on me propose un salaire de misère, presque inférieur à ce que je touche au chômage !
Quel avenir pour la mobilisation ?
Si les gilets jaunes comptent rester le plus possible sur site, c’est aussi parce qu’ils comptent sur le ralliement de plusieurs professions. A l’entrée de la raffinerie, sur le bas côté, une ambulance est stationnée. Au cas où il y aurait une urgence, bien sûr, mais aussi, là encore, par solidarité. Son propriétaire entame d’ailleurs sa troisième semaine de mobilisation.
Début novembre, Kevin Delacourcelle manifestait en effet avec ses collègues ambulanciers pour protester contre l’article 80 du financement de la sécurité sociale de 2017. Il avait alors sollicité en direct Cyril Hanouna dans son émission On n’est pas couché ! « Mon ambulance, c’est un peu un camping car, je réapprovisionne en café », sourit le Donnemaritain, qui envisageait de passer la nuit avec les manifestants.
Entre deux cafés, certains jugent l’intervention du Premier ministre Edouard Philippe, intervenue la veille dans le 20h de France 2 : « Il a entendu mais il n’a rien compris ! » D’autre se réjouissent d’avoir pesé sur l’économie du pays le temps d’un samedi, en faisant chuter le chiffre d’affaires des grandes surfaces :
Impact des #giletsjaunes : un samedi à -35% pour les ventes en hypermarchés et supermarchés. pic.twitter.com/SMca6tLrJI
— Nielsen France (@NielsenFrance) November 19, 2018
Reste que le blocage de la raffinerie de Grandpuits, qui alimente la région Ile-de-France en carburant, pourrait tourner court. « Je pense que les CRS vont nous évacuer demain matin », redoutait d’ailleurs une manifestante.
D’autres se veulent plus déterminés :
« Si on arrête, on passera pour qui ? »
Maxime BERTHELOT