« Qui se soucie de nous ? » interroge Élisa (prénom modifié), une Ébroïcienne de 64 ans « hébergée» en placement libre durant trois semaines au Nouvel hôpital de Navarre à Évreux (Eure). La sexagénaire a en effet vécu un séjour pour le moins tourmenté, et c’est un doux euphémisme.
Dépouillée de son identité
Dès le premier jour, j’ai été dépouillée de mon identité. On m’a affublé d’un pyjama informe et confisqué mes boucles d’oreille, les temps de parole avec les soignants sont inexistants. Le danger, pour les patients, c’est que les soignants restent dans leur routine sans s’interroger sur leur pratique, déplore l’intéressée, en connaissance de cause.
En effet, avant de souffrir de troubles bipolaires, elle a exercé comme élève infirmière en psychiatrie. Son constat ? Accablant et sans appel. « Comme à l’hôpital général, le personnel a des devoirs et des obligations. »
L’esprit de l’asile
Dans un long courrier qu’elle compte expédier à l’Agence régionale de santé (ARS), au directeur de l’établissement et au chef du personnel, Élisa dresse la liste de ses déconvenues. À commencer par quelques privations ordinaires.
Pourquoi m’avoir empêché toute sortie dans le parc ? Pourquoi m’avoir supprimé mon téléphone portable ? Pourquoi ne sommes-nous pas informés des appels téléphoniques de nos proches ?
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Autant de questions qui se heurtent au mur du silence. Mais l’Ébroïcienne ne parle pas, exclusivement, en son nom propre. Choquée, elle dit avoir croisé, dans les couloirs, des patients livrés à eux-mêmes, « comme cet homme resté une demi-journée souillé par ses excréments, ou cette femme effondrée en sanglots dans sa chambre. »
Aujourd’hui, Elisa a retrouvé un univers plus familier. Mais les stigmates psychologiques demeurent. La preuve : « Bien que les locaux soient flambant neufs, l’esprit de l’asile hante encore les lieux et les gardiens demeurent ! »…