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Une Africaine et un habitant du Lot ont-ils fait « un faux », pour vivre ensemble ?

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Le palais de justice de Cahors

Le palais de justice de Cahors (©Amandine Héraud)

Voici une histoire abracadabrantesque entre une jeune africaine et un Lotois, qui se sont pris à rêver d’une vie commune, laquelle s’est avérée impossible…

Mireille (1) est née au Gabon en 1995. Elle est de nationalité gabonaise. Appelée à la barre du tribunal correctionnel de Cahors le 29 novembre dernier, elle doit répondre de « faux dans un document administratif » commis à Albi. En situation irrégulière sur le territoire national, elle fait l’objet d’une obligation de quitter la France.

Gérard (2), 38 ans, agriculteur, résidant dans le nord du Lot, comparaît pour la même infraction. Agrippé à ses cannes (3), il s’approche difficilement de la barre. L’objet des poursuites tient à la « reconnaissance anticipée de paternité » que Gérard a fait établir devant la mairie d’Albi en compagnie de Mireille, peu avant la naissance de Joseph (4).

Le casier des deux prévenus est vierge.

Elle était enceinte à son arrivée en France

Peu après son arrivée en France, fin juillet 2016, Mireille s’aperçoit qu’elle est enceinte. Elle accouchera d’un garçon à Albi, le 29 mars 2017. Elle explique au tribunal qu’elle était venue en France avec le projet de suivre des études de droit ; le Gabon connaissant à cette époque-là une instabilité politique. Cependant, la jeune femme voit son inscription à l’université refusée, en raison précisément du caractère irrégulier de sa situation. Elle se retrouve sans activité.

Mireille fait la connaissance de Gérard via un site internet de rencontres. Après plusieurs mois de correspondances électroniques, tous deux se rencontrent en février 2017, soit un mois environ avant la naissance de l’enfant.

« Il est sûr que le prévenu n’est pas le père ! » relève le président du tribunal Vincent Ramette. Or, seul le parent biologique a le droit de reconnaître l’enfant. Le fait de reconnaître un enfant en sachant que ce n’est pas le sien constitue une fraude.

« Il m’a dit qu’il me prenait avec le petit ! » déclare Mireille à la barre. La reconnaissance de paternité est datée du 8 mars 2017, soit 21 jours avant la naissance de Joseph.

« J’ai dit pourquoi pas, en effet ! » confirme Gérard.

Gérard et Mireille se sont préparés alors à fonder une famille, alors même qu’ils ne se sont vus qu’une seule fois. Mireille soutient qu’elle a agi de bonne foi.

Le président Ramette creuse tout de même le sujet et à plusieurs reprises c’est le flou qui prend le dessus dans les déclarations des deux prévenus. Tout d’un coup Gérard lâche :

« Elle m’a dit que si je ne faisais pas la reconnaissance de paternité, elle ne viendrait pas à la maison ! » De fait, Mireille est bien venue s’installer à la ferme de Gérard. Mais elle n’est pas restée…

« J’avais de gros problèmes de santé à ce moment-là et elle est venue définitivement, alors que j’aurai préféré que les choses se fassent petit à petit ! » explique Gérard. Il ne comprend pas non plus qu’elle ait décidé de s’en aller pour rejoindre une association d’accueil sur Saint-Céré.

« Si vous saviez dans quel état j’ai trouvé la maison avec de la boue par terre, des toiles d’araignées partout, j’ai tout nettoyé. En revanche, quant aux odeurs des animaux en permanence, c’était invivable. Au niveau de l’hygiène, il ne faisait aucun effort ; j’étais inquiète pour mon fils » indique Mireille.

Le 13 juin 2017, Mireille fait la demande d’une carte d’identité pour son fils. Cette démarche éveille la suspicion des services administratifs et aboutira à l’ouverture des poursuites pour « faux dans un document administratif ».

« Est-ce que vous avez fait pression pour mener vie commune avec madame ? » interroge Vincent Ramette. Gérard se montre hésitant dans sa réponse :

« Oui et non ! J’avais proposé le prénom de l’enfant, j’avais acheté la poussette ! » répond Gérard.

À présent Mireille compte retourner au Gabon, mais à défaut d’autorisation parentale, l’enfant ne peut quitter le territoire. Une nouvelle procédure devant la juridiction civile cette fois devra être engagée pour annuler cette reconnaissance de paternité. Car au terme de ce document, le petit Joseph est considéré comme l’héritier de Gérard et Gérard est tenu de contribuer à son entretien.

Un faux intellectuel ?

« Sachant qu’il n’était pas le père, il est reproché à Gérard d’avoir commis un faux intellectuel ! » scande Cécile Lasfargues, vice-procureur de Cahors. Selon elle, dans cette affaire chacun y avait trouvé son intérêt. Reconnaître l’enfant permettait au prévenu de gagner les faveurs de la mère ; pour la mère la situation ouvrait droit à une régularisation aux fins d’obtenir la nationalité française et pour l’enfant la situation donnait lieu à la délivrance d’un certificat de nationalité.

Mme Lasfargues requiert à l’encontre de madame, une interdiction du territoire national pour une durée de 10 ans. S’agissant de monsieur, elle demande un an de prison avec sursis.

Maître Lucie Bergès, avocate de Mireille, plaide la bonne foi de sa cliente. « Elle croyait à cette histoire ! » affirme-t-elle. Mireille est prête à repartir à présent, sauf que ce fameux document de reconnaissance de paternité l’en empêche.

Quant à maître Aurélie Smagghe, avocate de Gérard, elle se tient sur la même ligne de défense que sa consœur. Elle déclare : « Ils se sont mis des rêves en tête, qu’il ne nous appartient pas de juger ». Elle demande la relaxe de son client.

Les deux prévenus ont été relaxés. Gérard est rentré chez lui, mais Mireille n’en a pas terminé avant de quitter la France.

JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

 (1 et 2 et 4) : le prénom a été changé.

(3) : en rapport avec une maladie orpheline.


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