
Peter Reichmuth a soigneusement conservé le courrier de Pierre Fernagu, alors maire de Querqueville, qui lui a permis de faire venir sa famille basée en Allemagne de l’Est à son mariage avec Brigitte, en mars 1989, quelques mois avant la chute du Mur de Berlin. (©DP)
Natif de Hambourg, Peter Reichmuth a été naturalisé Français en 1990 et vit aujourd’hui à Tourlaville.
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Ce professeur d’allemand à l’IUT de Cherbourg revient sur la chute du Mur de Berlin, un événement qui l’a profondément marqué.
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Interview
Que vous évoque, 30 ans après, la chute du Mur de Berlin ?
Pour moi, c’est encore beaucoup d’émotions. J’étais abasourdi ce jour-là. C’était un grand moment de joie car ce Mur était insupportable. Ma famille a été séparée en deux, une partie à l’Ouest, l’autre à l’Est. Il y a des cousins, des oncles et des tantes que je ne pouvais pas voir, c’était dramatique ! C’est aussi pour ça que j’ai voulu m’installer en France, pour retrouver un espace de liberté au pays des droits de l’Homme. Cela me faisait oublier un peu cette torture morale.
Vous vous êtes donc mariés en France ?
Oui, je me suis marié en mars 1989, quelques mois avant la chute du Mur de Berlin, à une époque où la réunification des deux Allemagne était encore impensable. On a organisé ce mariage avec la complicité du maire de Querqueville de l’époque, Pierre Fernagu, qui a écrit aux autorités est-allemandes pour dire que la présence de ma famille était indispensable, que mes cousins étaient mes témoins…
« Un danger pour l’Allemagne »
Et cela a suffi ?
Il a fallu apporter tout un tas de preuves, de déclarations et d’attestations pour leur permettre de quitter la RDA et venir en France pour mon mariage. Neuf personnes ont ainsi quitté pour la première fois la RDA pour venir à mon mariage. C’était un tel sentiment de liberté pour eux qu’ils se sont baignés dans la mer de la Manche en plein mois de mars ! J’ai rencontré à cette occasion des cousins que je n’avais jamais vus. C’était très émouvant. On a fait une fête extraordinaire… A leur retour en RDA, ils ont été interrogés par la Stasi pour savoir ce qu’ils avaient fait en France. Ils étaient très surveillés…
Vous semblez ému quand vous racontez cela ?
Bien sûr, car quand on y repense, ce sont ces hirondelles qui annonçaient le printemps. Les jeunes de RDA en avaient ras-le-bol d’être privés de liberté. Je sentais que ça ne pouvait pas durer ainsi, que ce régime dictatorial était aux abois.
Quelles sont les « séquelles » aujourd’hui du Mur du Berlin ?
Quand le Mur est tombé, c’était la fête. Mais il y a vite eu la gueule de bois car l’Allemagne de l’Est était en faillite. Si bien, que 30 ans après, il y a de l’amertume. Les Allemands de l’Est se sentent encore dépossédés de leurs moyens. Et, malheureusement, les régions de l’Est de l’Allemagne votent majoritairement aujourd’hui pour les extrêmes. Ce désenchantement est un réel danger pour l’Allemagne…