
Nathalie Perringérard, directrice du CIDFF, a organisé cette matinée d’échanges en partenariat avec le tribunal de Lisieux : Lionel Da Costa Roma, le président, et David Pamart, procureur de la République. (©Le Pays d’Auge)
Mercredi 6 novembre 2019, une matinée d’échanges à destination des professionnels était organisée au tribunal de Lisieux (Calvados) pour parler des dispositifs légaux relatifs aux violences conjugales.
Un événement organisé dans le cadre du Grenelle lancé par la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa le 3 septembre 2019, et qui se poursuit jusqu’au 25 novembre 2019.
« Il faut se saisir de ces dispositifs »
Nathalie Perringérard, directrice du Centre d’information du droit des femmes et des familles (CIDFF) était entourée de Lionel Da Costa Roma, président du tribunal, David Pamart, procureur, et Patrick Venant, sous-préfet, pour présenter ces dispositifs aux forces de l’ordre et acteurs locaux concernés par ce « sujet essentiel ».
Les professionnels ont pu faire le constat : ces outils sont « tous sous-employés, voire pas utilisés du tout », regrette Lionel Da Costa Roma :
« Il faut que nous nous saisissions de ces dispositifs. Nous devons la protection à ces femmes ».
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L’évaluation des victimes
Dès que possible, les victimes font l’objet d’une évaluation personnalisée, afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure pénale. L’autorité qui procède à l’audition de la victime (souvent, les forces de l’ordre), recueille les premiers éléments.
Cette évaluation peut-être approfondie : c’est là que le CIDFF entre dans la procédure et est sollicité. La structure effectue un rapport avec, si besoin, des préconisations. C’est « ce qui manque » le plus souvent selon Nathalie Perringérard : ce second degré d’évaluation.
L’éviction du conjoint
L’éviction du conjoint permet de l’obliger à quitter le domicile. Sur le ressort du TGI de Lisieux, elle ne se pratique quasiment jamais sur simple injonction du procureur, comme l’explique David Pamart :
« C’est difficile de contrôler ce type d’injonction, et en cas de non-respect, cela nécessite de reprendre la procédure, c’est un temps de perdu »
Cette mesure est plus souvent utilisée dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. La personne violente est alors suivie par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Sur 11 contrôles judiciaires mis en place cette année, cinq concernent des affaires de violences conjugales, avec interdiction d’entrer en contact avec la victime.
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Dans le cadre d’une convention signée avec l’association Itinéraires, un appartement situé à Lisieux est destiné à reloger le conjoint violent quand ce dernier n’a pas d’autres solutions satisfaisantes. C’est trop peu : « Il faudrait en avoir un peu partout sur le secteur », espère David Pamart.
L’ordonnance de protection
Les victimes peuvent saisir le juge des affaires familiales afin de bénéficier d’une ordonnance de protection : « Créé en 2010, ce dispositif est assez mal identifié et très peu utilisé », explique le président. Il s’agit d’un « dispositif à caractère civil avec des mesures à la frontière du domaine pénal ».
« Efficace », l’ordonnance de protection a deux objectifs :
« Protéger la victime et l’accompagner dans le parcours de sortie des violences ».
En plus de mesures de protection comme l’éloignement du conjoint, elle permet de statuer de manière plus large sur d’autres dossiers comme l’attribution du logement, le sort des enfants et le versement d’une pension alimentaire. « L’autre grand intérêt, c’est qu’il n’y a pas obligation d’avoir une plainte », ajoute Lionel Da Costa Roma.
« Le souhait et le message à faire passer, c’est qu’elle doit être proposée de manière systématique quand il y a des violences et un danger vraisemblables ».
La victime qui saisit le juge des affaires familiales peut s’appuyer sur une plainte, un certificat médical, des témoignages, des appels téléphoniques, des mails…
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Depuis 2018, seulement huit décisions (dont deux en 2019) ont été rendues par le tribunal de Lisieux. L’ordonnance de protection, valable six mois, a été délivrée cinq fois. Dans un cas, la personne s’est désistée, et deux demandes ont été rejetées, les victimes ayant apporté « très peu d’éléments ».
Le téléphone grave danger
Le procureur de la République peut attribuer pour six mois à la victime un téléphone lui permettant d’alerter les forces de l’ordre en cas de danger. Une touche dédiée permet de joindre 7j/7 et 24h/24 un service de télé-assistance qui décroche en moins de 10 secondes, évalue la situation et se met en contact avec la police ou la gendarmerie.
Pour être attribué, il doit y avoir « une absence de cohabitation entre la victime et la personne mise en cause et une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime » indique Christophe Bogliolo, substitut du procureur.
Le tribunal de Lisieux est équipé deux téléphones depuis 2016. Un seul a été attribué, en 2017. Six demandes d’attribution formulées par le CIDFF ont été refusées, car elles ne réunissaient pas les conditions légales.
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