Quantcast
Channel: actu.fr - Toute l'information nationale, régionale et locale.
Viewing all articles
Browse latest Browse all 19125

Fontainebleau. En 1992, la cité impériale était (déjà) au coeur des crispations sociales

$
0
0
En 1992, Fontainebleau était la cible de nombreux blocages

En 1992, Fontainebleau était la cible de nombreux blocages (©RSM77)

Comme chaque week-end depuis le 17 novembre, nombreux sont ceux qui scrutent les écrans de télévision pour mesurer l’ampleur du mouvement des Gilets jaunes à travers l’Hexagone. Si Paris accapare une grande partie des regards, de nombreuses villes de France et de Navarre possèdent aussi leur noyau dur de ces « oubliés », comme ils se définissent.

Très actif sur la frange sud du département entre Montereau et Nemours, c’est surtout à Fontainebleau que le mouvement semble s’enraciner. Et plus précisément autour de son fameux obélisque, là où cette mobilisation prépare son plan d’action sur le sud de la Seine-et-Marne. « Un petit air de déjà-vu », se diront sans doute les plus âgés d’entre nous. Car, la cité impériale a déjà vécu des événements similaires au début des années 1990. La République de Seine-et-Marne du 6 juillet 1992 titrait ainsi : « La paralysie d’une ville symbole ».

La fronde paysanne

Mais pour bien comprendre ce qu’il se passait début juillet dans la sous-préfecture seine-et-marnaise, il faut remonter le temps d’encore deux semaines. Nous sommes alors le 22 juin 1992, dans les premières pages de votre hebdomadaire local favori, l’équipe rédactionnelle de l’époque se questionnait sur de possibles mouvements du milieu agricole sur le département. Car à cette époque, une partie des agriculteurs français, réunie au sein de la « Coordination rurale », demandait « la suppression de l’accord de la Politique agricole commune, comprenez la PAC, signé par les douze pays membres de la communauté européenne quelques semaines plus tôt », relate le journal, qui quelques lignes plus loin dévoile les ambitions de la fronde paysanne.

« Malgré les interdictions du ministère de l’Intérieur, la Coordination rurale a indiqué qu’elle souhaitait maintenir son projet de blocage de Paris. Étant sur l’itinéraire de ces paysans venant majoritairement du sud de la France, la Seine-et-Marne risquerait bien d’être concernée ». Et ce qui devait arriver arriva. Pis encore, avant même que la Coordination rurale ne prenne position, les syndicats agricoles départementaux dressaient déjà leurs propres barrages sur les grands axes. Beton-Bazoches, Melun ou encore Eurodisney, « l’enclave américaine prise en symbole de la compétition commerciale internationale », sont pris d’assaut par les tracteurs.

Mais ils sont encore plus nombreux à l’approche de Fontainebleau. La cité impériale, nichée à la jonction de la N6 et de la N7, voit les agriculteurs débarquer en force. En tout, « 150 tracteurs venus du sud bloquent les nationales et établissent des barrages filtrants à hauteur du carrefour de l’Obélisque », informe le canard, tandis que d’autres agriculteurs « déversent du fumier devant la sous-préfecture », après avoir « forcé les grilles ».

Les camionneurs entrent en piste

Début juillet, la fronde paysanne devait encore monter en puissance. Toutefois, alors qu’on « attendait les agriculteurs, ce furent finalement les routiers qui vinrent former les premiers barrages », résume le journal seine-et-marnais dans son édition du 6 juillet. Comme pour le mouvement des Gilets jaunes, la situation de juin et juillet 1992 se résume à une diversification des revendications.

Outre les inquiétudes liées à l’agriculture, l’entrée en vigueur du permis à point au 1er juillet a piqué au vif les chauffeurs routiers qui craignaient de perdre « encore plus rapidement » leur permis. Fontainebleau devient ainsi l’une des places fortes des « bloqueurs ». En plus du rond-point de l’Obélisque, le carrefour du Grand-Veneur ou encore le carrefour de la Fourche, à l’entrée de la ville, font l’objet de barrages filtrants quotidiens sans discontinuer du 29 juin jusqu’au début du mois de juillet. La Rep du 6 juillet présente même sur une pleine page son « journal de bord du blocus », recueilli auprès des chauffeurs routiers de la ville impériale.

La rédaction se targuera même d’un éditorial piquant pour dénoncer cette série de blocages qui survenait même sur l’A6 à Nemours où les automobilistes sont contraints de « s’échapper de l’autoroute en défonçant le grillage ». Extraits choisis : « Au pays de l’individualisme,  »les seigneurs de la route », qu’ils soient chauffeurs de poids lourds, ambulanciers, VRP ou conducteurs du dimanche n’aiment pas qu’on touche à leur code de la route. Alors ils le font sentir. Comment ? Bah, tout bêtement en prenant leurs semblables en otage ! ». Chaude ambiance…

« Montrer à la baronne les gens du peuple »

La cité bellifontaine est devenue bien vite un point de rassemblement de toutes les radios et télévisions de France. Tombées dans les stéréotypes, celles-ci ont souvent livré des scènes parfois cocasses à leurs auditeurs, comme le décrit le journaliste de La Rep : « L’occasion était belle [pour eux] de présenter au monde un beau cliché manichéen. D’un côté, les routiers, rustres et tout d’un bloc, représentant du peuple, et de l’autre les gens à particule, la baronne qui va pactiser sur les barricades en apportant des tranches de saumons aux pauvres bougres ».

Éviter une fin dramatique du mouvement

Finalement, l’ensemble des barrages a été levé dans la région le 11 juillet 1992 pour permettre des négociations, après deux semaines de blocage – trois si l’on compte celle des agriculteurs. Des négociations qui ont abouti… au maintien du permis à point. Après trois semaines de mobilisation, les Gilets jaunes ont réussi à obtenir du gouvernement un moratoire sur la taxe liée aux carburants (avant peut-être un rétropédalage ?). « Toujours dans la bonne humeur », à en croire les organisateurs du mouvement sur Fontainebleau, ceux-ci vont poursuivre les blocages sur les artères de la forêt.

Avec l’idée de ne pas voir resurgir les fantômes d’il y a près de 30 ans. Dans la nuit du 3 juillet 1992, un automobiliste était venu s’encastrer sous un poids lourd stationné sur la voie tous feux éteints. Si l’automobiliste s’en était sorti que légèrement blessé, son passager, un jeune auto-stoppeur allemand de 22 ans, trouva la mort.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 19125

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>