Emmanuel Bloquel est chaumier depuis plus de 20 ans. Il a même repris l’affaire de son patron depuis plusieurs mois. A Blosseville-sur-Mer, près de Dieppe (Seine-Maritime), il a travaillé avec son ouvrier Gauthier Delaunay.
Leur mission : refaire une partie d’un toit en chaume si caractéristique du pays de Caux. D’ailleurs, le patron le voit bien : « C’est ici qu’il y a le plus de demande. »
L’ancienne toiture de la chaumière a au moins 40 ans et la bâtisse « sans doute plus de 100 ans », dit-il. Il remarque qu’il n’y a rien de droit. Les fondations de cette « vieille dame » sont faites en grès, « la pierre du coin », ajoute Emmanuel Bloquel.
En moyenne, il faut refaire la couche de chaume tous les 40 ans. Au bout d’un moment, le toit prend l’humidité et une couche de mousse s’installe.
Il faut alors gratter le toit avec une tailleuse pour enlever la mousse puis taper le chaume à l’aide d’une palette, l’outil indispensable du chaumier. Tout comme les aiguilles. Elles servent à passer les fils en acier galvanisé pour tenir les tiges de matière première.
L’artisan utilise depuis plusieurs années du roseau de Chine pour faire ou refaire les toits des chaumières. Il explique :
« Avant, on en trouvait en Camargue mais des champignons sont apparus. »
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Bonne isolation
Le roseau de Chine tient mieux sur les toits « mais est dur au travail, il est souvent sale et n’est pas toujours très droit », note Emmanuel Bloquel. Il a déjà utilisé ce matériau sur plusieurs maisons à Blosseville-sur-Mer.
Dans le temps, les toits des chaumières étaient réalisés en paille de blé, avec une tige moins longue que le roseau de Chine. Le professionnel poursuit :
« Mais maintenant, toute la partie de la céréale est utilisée par les agriculteurs. Il y a eu un peu de seigle aussi ».
Alors pourquoi aujourd’hui continuer à utiliser cette technique ancestrale ? « En termes d’isolation thermique et phonique, il n’y a pas mieux », sourit le patron. Son salarié rétorque : « En revanche, il n’y a pas de gouttière ! ». Attention donc en cas de fortes pluies… Elle pourrait se transformer en véritable douche.
Pour rendre bien étanche la partie du toit refaite, Emmanuel Bloquel a besoin de 1 500 bottes de roseaux. « Il faut en poser une couche tous les 30 cm », dit-il. À Blosseville, sur cette chaumière, 40 couches ont été posées.
Puis grâce à la palette, le chaumier place correctement les tiges de roseaux. Un travail extrêmement physique. « Peu veulent le faire, constate le patron. La moindre botte doit vous passer entre les mains, à la fin de la journée on a des douleurs partout ». Une fois, le roseau posé, il reste le haut de toit à finaliser avec du ciment ou de la terre noire.