« Une cuvée spéciale… et exceptionnelle ». Christian Digherer n’a pas boudé son plaisir après avoir goûté « le premier jus de pomme qui sort de son pressoir ».
« Pour fêter les 30 ans du pardon autour de la chapelle de Saint-Mélar », il avait décidé d’offrir à l’association de Plouzélambre « moult bouteilles » de son cru ». Prometteur, au vu des éloges de ses amis sur la qualité du cidre qu’il produit dans son corps de ferme…
Râper les pommes
Dès 10 h, le jour de presse, déjà l’effervescence sous le hangar, chacun à son poste, affairé à la tâche qui lui incombe. Une bonne ambiance autour du pressoir.
Christian contrôle le remplissage des pommes dans la râpeuse électrique :
Je préfère râper les pommes que les broyer : la pulpe est plus fine, sa mise en place dans le pressoir est facilitée et donnera le maximum de son jus en une seule presse.
En rythme cadencé, le pressoir est alimenté par sa femme Annick et Jean Jacob, l’ami de toujours. Christian constate qu’il y a de moins en moins de personnes dans les campagnes pour le coup de main. Il s’est donc équipé d’une râpeuse électrique et un pressoir hydraulique.
Le cylindre en lattes de chêne laisse des espaces d’où l’on perçoit déjà la pulpe ruisseler, alors que ses enfants Laura et Yoan la tassent consciencieusement à l’aide de battes artisanales.
Une fois le pressoir empli à ras bord, il leur appartient aussi de placer méthodiquement les billots numérotés en croisée : leur poids tassera de près de plus de 10 cm la pulpe avant même que le vérin n’agisse.
Un parfum de pomme et de sucre
Le bassin de réception du jus de pomme est plein vers 11 h. Déjà, le maître es cidre installe une cuve à sa sortie, y insère un tamis qui prélève les plus grosses impuretés et ouvre le robinet : le jus se libère alors. Brun ambré, épais, il exhale son parfum de pomme et de sucre.
Premier contrôle de vérité : Christian emplit une fiole et y plonge le pèse-cidre : il indique 1,065, ce qui est de bon augure. Première dégustation : pour les néophytes, il a un goût exceptionnel de jus de pommes acidulées surdosé en sucres. Pour les connaisseurs, « en arrière du goût, l’acidité des pommes transparaît, ce sera un très bon cru ».
Plusieurs variétés
Christian Digherer a planté son verger depuis 1995 :
Des demi-tiges d’une dizaine de variétés de pommes à cidre, qui vont de la douce pour moitié du verger, de la douce-amère pour les 3/4 et le reste en variété acidulée. Plus on mélange les variétés, meilleur est le cidre.
Le ramassage des pommes se fait généralement après la Toussaint pour les variétés tardives, et le cidre est pressé avant Noël. « Il y a un temps pour le tri et le rinçage », explique Christian, qui prend soin « d’écarter les pommes noires, abîmées ou fondues : seule l’oxydation est bénéfique pour la teinte du cidre ».
Le jus tiré – cela prendra jusqu’au lendemain soir – il procède à l’étape de la maturation :
Je ne fais pas de filtrage mais je pratique selon le principe de la clarification : j’utilise de la pectine et du chlorure de calcium.
Éléments naturels, ils complètent le manque de pectine des pépins qui produisent la fermentation. Le bon cidre se retrouve en bas et les impuretés flottent en haut de la cuve.
Le jus doit fermenter lentement, « sans bouillir » : il écume, les variétés de pommes et la météo influent sur la vitesse de fermentation. À ce moment, le jus devient cidre, il est devenu clair et sera soutiré et transvasé dans une cuve scellée hermétiquement. « C’est la fabrication du chapeau brun ».
L’élixir va finir sa maturation jusqu’à la mise en bouteille trois à quatre mois plus tard.
Une étiquette spéciale Saint-Mélar
Christian fait du cidre pour son plaisir et par tradition. « C’est une production familiale », rappelle-t-il, qu’il distribue dans sa famille et aux amis. Chaque année, il fait don aussi de bouteilles à l’association de la chapelle Saint-Mélar dont il est membre.
À l’occasion du trentième anniversaire, les membres de l’association ont décidé d’en faire une cuvée spéciale portant l’étiquette du millésime.
Jean-Paul Leclercq