Enseignant-chercheur à l‘université du Havre (Seine-Maritime), François Lique a décroché fin 2018 un financement européen de près de 2 millions d’euros pour ses travaux en astrophysique. À cette occasion, il nous fait voyager dans son univers, celui de l’origine des étoiles.
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Ce qui se passe entre les étoiles
François Lique n’est pas astronaute et pourtant, il fait partie de ceux qui voient de près ce qui se passe très loin, ailleurs dans l’espace. Dans son laboratoire de l’université du Havre, il mène depuis dix ans des recherches sur « les collisions moléculaires se produisant dans le milieu interstellaire. »
« Nous cherchons à comprendre et modéliser la chimie qui existe dans l’espace entre les étoiles, précise-t-il pour les non-initiés aux subtilités de l’astrophysique. Contrairement à ce que l’on peut penser, cet espace n’est pas vide et il s’y passe plein de choses. »
En effet, autour des étoiles, des molécules évoluent, se rencontrent ou disparaissent. Pour analyser ces mouvements, impossible bien sûr de réaliser directement des mesures. Heureusement, les molécules interagissent, dégageant ainsi des rayonnements que les satellites peuvent capter.
À la recherche de traces de vie
C’est sur la base de ces faisceaux que travaillent François Lique et les chercheurs de son laboratoire. « Cette composition chimique influence la formation des étoiles. Derrière, on analyse donc comment elles se forment, de même que les planètes. »
Décrypter ces informations passent par « des calculs théoriques très complexes, des équations de mécanique quantique, que l’on résout par des simulations numériques. »
Un savant procédé qui pourrait, à terme, permettre de repérer des traces de vie. « L’idée est de déterminer si elle possède une origine interstellaire, donc si d’autres exoplanètes pourraient être habitables », précise le chercheur.
Faire en cinq ans ce qui aurait pu prendre 30 ans
Mais cette méthode connaît ses limites. « Aujourd’hui, nous parvenons à détecter les molécules de 4 ou 5 atomes. Il faudrait passer à celles qui en comptent des dizaines. » Pour y parvenir, François Lique développe une nouvelle approche théorique de la modélisation des collisions interstellaires. C’est ce qui lui a valu cette bourse européenne, qui représente pour lui un joli coup d’accélérateur :
Avec ce financement, je vais pouvoir recruter des chercheurs aux expertises différentes des miennes, et investir dans des calculateurs informatiques. Cela devrait permettre de faire en cinq ans ce qui aurait été fait en 30 ans, ou même peut-être jamais, sans la bourse.
Dès le mois de septembre, les effectifs de son équipe devraient doubler avec pour mission de, « au minimum mettre au point une méthode permettant d’étudier ces données. L’exploitation pourra ensuite se faire plus tard dans le temps. »
Financement ERC
Le Conseil européen de la recherche a octroyé à François Lique 1,8 million d’euros pour ses recherches. Une aide financière conséquente donc, mais aussi une marque de reconnaissance dans le monde de la recherche. Plus de 2 000 candidatures avaient été déposées pour ces financements. « Pour les chercheurs, c’est un peu le Graal, ce qu’il y a de plus compétitif au niveau européen, assure le professeur. Ne sont retenus que les projets considérés comme novateurs qui apportent une vraie rupture scientifique. » Une distinction qui pourrait, à l’avenir, attirer d’autres chercheurs de renom vers l’université du Havre.