214 mètres, c’est la hauteur à laquelle travaille Jérôme Monsimier cette semaine, au sommet d’un pylône du pont de Normandie. L’habitant de Sablé-sur-Sarthe exerce un métier peu commun : cordiste.
Il intervient là où personne d’autre ne peut aller. Un métier qu’il a choisi sur le tard, par passion.
Jérôme Monsimier suit d’abord une formation d’histoire de l’art puis de patrimoine culturel.
J’ai travaillé pendant 12 ans à l’ITEMM au Mans (ndlr-Institut technologique européen des métiers de la musique) ».
A l’occasion du forum des associations de Sablé, il s’arrête sur le stand du club d’escalade de Sablé.
« J’ai fait un essai et j’ai été mordu par le virus. L’escalade m’a donné le goût de la grimpe et de la hauteur ».
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Changer de voie
Lui trotte dans la tête l’idée de changer de voie. « J’avais envie de faire quelque chose pour moi ».
Il découvre le métier de cordiste.
Au départ c’était uniquement de l’admiration pour un quelque chose que je trouvais original ».
Petit à petit, l’idée se fait insistante. Mais Jérôme Monsimier hésite. « Les cordistes ont entre 20 et 30 ans. Mes 40 ans m’arrêtaient ».
C’est la réponse qui lui est souvent faite quand il se renseigne. A Millau, il contacte le centre de formation hauteur et sécurité. « J’ai eu une discussion avec le directeur qui m’a dit lance toi ».
Il se lance sans filet
Jérôme Monsimier n’attend pas qu’on lui redise.
J’ai monté mon plan de formation et je suis parti là bas ».
Il suit la formation de cinq semaines puis y ajoute une autre de soudeur. « Ca a été court mais très dense ».
Parmi les épreuves : déplacement sur corde, levage sur corde, épreuve de secours.
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Nous sommes le premier secouriste de notre binôme s’il y a un problème ».
En 2015, à 42 ans, Jérôme Monsimier se lance sans filet dans une nouvelle vie professionnelle.
« Je fais office de papi »
Il sourit de son âge. « Je fais office de papi et d’ailleurs c’est comme ça que certains m’appellent ».
Depuis, il travaille sans interruption comme intérimaire.
C’est le cas pour 80 % des gens dans ce milieu ».
De la Tour Eiffel au plus gros paquebot du monde
Jérome Monsimier est intervenu sur la Tour Eiffel « où j’ai remplacé des passages de câbles. J’ai passé des grandes pièces de 150 kg et 6 mètres de long entre les poutres en pleine nuit ».
Autre chantier qu’il n’oubliera pas sur un chantier naval de St Nazaire, celui de The Symphony of the seas, le plus gros paquebot du monde.
A 70 mètres de haut, j’ai été à la fois soudeur, peintre, j’ai suspendu une oeuvre d’art d’un artiste autrichien. J’ai aussi monté des toboggans ».
Plus de 80 cordistes intervenaient sur le paquebot livré l’an dernier. Le cordiste est un homme-orchestre. « Je suis à l’aise avec six ou sept métiers : la maçonnerie, la peinture, un peu la couverture… »
L’année passée Jérôme Monsimier passe et obtient le niveau le plus élevé en corde, le CQP2.
Je peux intervenir sur des sites encore plus aériens et avoir la qualification de chef de chantier ».
Il est contacté par plusieurs sociétés, notamment pour diriger un chantier sur le pont de Normandie. « Je me suis dit qu’il était temps de créer ma boîte ».
En novembre dernier naît ETH. Très simplement : Expertise et Travaux en Hauteur. Il choisit le portage entrepreneurial pour ne pas avoir à gérer toute la partie administrative.
Son carnet de commandes est plein.
Altitude et profondeur
Outre des chantiers divers et variés, il propose aussi des expertises. « Je visite des chantiers avec des entreprises pour mettre en place des modes opératoires ».
Il mène ensuite, ou non, le chantier.
Je suis monté sur la cathédrale de Senlis voir comment on pouvait poser des cordes, voir comment on va pouvoir accéder, analyser les risques ».
Le but était dans le cas précis de poser des filets pour calfeutrer les fenêtres sur une des parties les plus compliquées à atteindre du bâtiment.
Quand je n’aurai plus cette peur, j’arrêterai »
Il mène aussi des chantiers plus simples pour des particuliers. « Ce qui m’intéresse, c’est la diversité ». Les cordistes interviennent « quand plus personne ne peut passer ». Il travaille aussi en profondeur « dans des silos, dans des conduits ».
Le métier est « passionnant et exigeant ». « Il demande une vraie hygiène de vie. Pas question de faire la fête tous les soirs ».
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Ce n’est pas non plus un métier de casse-cou.
J’ai toujours un petit moment d’adrénaline, un petit frisson à chaque fois ».
Un peu d’appréhension aussi. «Quand je n’aurai plus cette peur, j’arrêterai, c’est elle qui me fait garder à l’esprit que je fais un métier qui peut être dangereux ».
Pratique
Expertise et Travaux en Hauteur. Jérôme Monsimier 06.03.93.17.22