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Affaire Denis Baupin. L'ex-députée Isabelle Attard témoigne : « C'était un procès surréaliste »

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Isabelle Attard, ex-députée de la 5e circonscription du Calvados de 2012 à 2017

Isabelle Attard, ex-députée de la 5e circonscription du Calvados de 2012 à 2017 (©Archives La Renaissance le Bessin)

En mai 2016, Mediapart et France Inter révélaient les témoignages de plusieurs femmes, dont Isabelle Attard, à l’époque députée du Calvados (Normandie), accusant Denis Baupin, figure des écolos, d’agression et de harcèlement sexuels. Leurs plaintes ont été classées sans suite en mars 2017 pour prescription, même si certains faits étaient susceptibles d’être qualifiés pénalement.

L’affaire aurait pu en rester-là. Mais l’ancien député EELV en a intenté un procès en diffamation envers les deux médias et six de ses accusatrices. Il a duré cinq jours, du lundi 4 au vendredi 8 février 2019. La procureure a requis la relaxe pour tous. Le délibéré doit être rendu le 19 avril prochain.

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« Tout ça dépasse le cas Denis Baupin »

Isabelle Attard, le procès est terminé. Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

Plus apaisé. Enfin… ce n’est pas tout à fait le mot juste, je me dis surtout que voilà, « ça, c’est fait ! » Ce n’était pas un règlement de compte puisque c’était lui qui portait plainte contre nous, mais au moins les choses ont été dites, ça permet de se reconstruire. Et finalement, tout ça dépasse largement le cas Denis Baupin. Le juge a mesuré l’enjeu sociétal de l’affaire au fur et à mesure du procès.

Normalement, un procès de presse en diffamation, ça dure deux heures. Là, on a fait 5 longues journées. C’était extrêmement intense. Mais il y aura un après procès Baupin. C’était la première fois, en France, qu’il y a une action juridique qui prend du temps pour parler du harcèlement et de l’agression sexuelle. Tout ça sans être aux Assises. Les avocats eux-mêmes n’avaient jamais vécu ça.

C’était un procès surréaliste du début à la fin !

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Et cet après procès Baupin, à quoi ressemblera-t-il selon vous ?

Les gens écouteront, je l’espère, la parole des femmes qui souffrent d’être harcelées ou agressées. Ça ne sera pas juste « C’est comme ça, fais-toi une raison… ».

C’est comme si on était passé du monde « du droit de cuissage » à un monde où l’on va enfin pouvoir parler d’égalité hommes-femmes. Et pas seulement en politique, parce que ça concerne tous les milieux.

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Comment avez-vous vécu le fait qu’il ne soit pas là ?

Déjà, sincèrement, je m’attendais à ce qu’il retire sa plainte avant le début du procès. Il ne l’a pas fait. Et quatre jours avant qu’il ne débute, on a appris qu’il ne viendrait pas. Pour nous, c’était juste hallucinant de mobiliser la justice depuis autant de temps pour ne finalement pas faire le déplacement.

Personne n’imaginait qu’il irait jusqu’au bout. Mais il était persuadé que c’était nous qui nous méprenions, que c’était juste de la drague lourde et du libertinage incompris.

Son avocat a martelé ça pendant tout le procès. Pourtant, les messages que j’ai reçus, non, ce n’était pas de la drague lourde. Quand vous dites non une fois, deux fois, quatre fois, six fois… ce n’est pas ça.

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Donc lui n’était pas là. Par contre, il a fait témoigner sa femme et ses ex-compagnes en sa faveur…

C’était la preuve ultime de sa lâcheté. On peut imaginer, en tant que femme, ce que ça représente lorsqu’un avocat vous lit les SMS que votre mari a envoyés à d’autres femmes alors que vous êtes avec lui. Mais il le savait, il savait ce qu’elles allaient entendre. Pour moi, elles sont aussi victimes.

Mais Emmanuelle Cosse (la femme de Denis Baupin, ndlr) a eu une phrase qui a été très douloureuse pour nous qui avons été ou sommes toujours à EELV. On a toujours dit qu’on s’était tue par estime pour elle. Et lorsque ça a été évoqué au procès, elle a répondu qu’il n’y avait pas d’estime en politique. C’était nous faire injure que de penser que ce n’était pas sincère. Parce que si elle n’avait pas été là, on aurait témoigné avant, c’est sûr et certain.

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Pensez-vous que cet éclairage aura une nouvelle incidence sur la libération de la parole de la femme ?

Je fais attention avec ce mot parce que si le procès nous a appris une chose, c’est que toutes les femmes ont parlé. À plusieurs personnes. Ce n’est pas une question de libération de la parole, mais de savoir si les autres sont prêts à écouter. D’un point de vue sociétal, il est là l’enjeu : faire en sorte que nous soyons écoutées. Et crues. Quel que soit l’endroit où l’on parle, le milieu professionnel ou familial. Il faut absolument que l’on soit prise au sérieux lorsque l’on va dans un commissariat.

Sans oublier de combattre le sexisme ordinaire depuis l’enfance. Parce que non, il n’est pas normal de se prendre une tape sur les fesses, de se faire frotter dans le métro ou d’être victime de discrimination au travail parce que l’on est une femme… Il faut qu’il y ait une introspection dans notre société, une vraie réflexion sur ce que l’on met en place pour que progressivement, tout ça s’arrête. Parce que l’on parle tout de même de la moitié de la population, pour laquelle personne ne devrait trouver normal de passer à la casserole pour réussir en politique, d’être sous-payée quand on est journaliste et de se faire griller la politesse quand on est avocate !

J’espère que le procès changera les choses. Et je me dis que si ça ne fait rien changer, si ça ne fait rien bouger, je serais profondément triste… 

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