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AU CINÉMA. "Grâce à Dieu", un film de François Ozon : un silence devenu assourdissant

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Un grand film porté par des acteurs manifestement engagés.

Un grand film porté par des acteurs manifestement engagés. (©DR)

Il fallait une pointure cinématographique à l’échelle d’un François Ozon pour se lancer dans le tournage d’un tel scénario s’inspirant de faits réels d’une brûlante actualité.

Le scénario, fictif par définition, nous met dans les pas, au début, d’Alexandre (Melvil Poupaud), jeune cadre financier, catho convaincu, lyonnais, père de 5 enfants élevés dans la plus parfaite tradition familiale. Se rendant à l’église, il va reconnaître le curé qui lui a fait subir les derniers outrages alors qu’il était scout dans sa paroisse. Un fulgurant et douloureux éclair ravive ces moments dans une mémoire qui essayait tant bien que mal de les oublier.

Un combat

C’est le début d’un combat qui va donner naissance à l’association La Parole Libérée dans laquelle Alexandre va décider ses anciens copains scouts de parler. Vont le rejoindre François (Denis Minochet), Emmanuel (Swann Arlaud), Gilles (Eric Caravaca) et bien d’autres.

Ce ne sera pas facile de fédérer ces victimes, pour de multiples raisons, personnelles, familiales ou professionnelles confondues. C’est d’ailleurs l’un des thèmes majeurs de ce film : le pourquoi de ce silence. Sans porter de jugement, le réalisateur examine et analyse les tenants de cette omerta.

« Grâce à Dieu, ces crimes sont prescrits par la justice »

Il met également en scène le Cardinal Barbarin (François Marthouret), mettant dans ses dialogues les verbatims prononcés en particulier lors de la fameuse conférence de presse dans laquelle il ose un « Grâce à Dieu, ces crimes sont prescrits par la justice », expression que va lui renvoyer dans la figure un journaliste présent, traduisant justement l’expression « Grâce à Dieu », par « Heureusement ». Sans commentaire…

LIRE AUSSI : Pédophilie dans l’Eglise : le cardinal Barbarin face aux juges

Même si seulement « inspiré de faits réels », ce film est un gigantesque réquisitoire contre le silence de l’Eglise face à des viols commis sur de jeunes enfants pendant des dizaines d’années, agressions sexuelles dont elle était parfaitement consciente. L’actualité immédiate nous montre, s’il était utile, toute la pertinence de ce film. En effet, un prélat australien, le cardinal Pell vient d’être reconnu coupable de pédophilie et emprisonné. Le Vatican tente de calmer le volcan en train d’exploser en faisant des déclarations qui ont de la peine à convaincre.

LIRE AUSSI : Le cardinal australien Pell, numéro trois du Vatican, reconnu coupable de pédophilie

Le mal est mondial

Le mal est mondial. Et la solution certainement complexe à mettre en œuvre. Puisse ce film soutenir toutes les initiatives dans ce sens. Saluons comme il convient Bernard Verley qui a accepté d’endosser le costume du Père Preynat à l’écran, de même que la prestation courte mais foudroyante de Josiane Balasko, la mère d’Emmanuel. Quel talent ! Aucune image scabreuse ne figurant à l’écran, le film est conseillé non seulement en tant qu’éventuelle thérapie mais aussi avertissement et mise en garde salutaires.

« Tu crois toujours en Dieu ? »

Quant à l’ultime question du fils aîné d’Alexandre à son père : « Tu crois toujours en Dieu ? », elle ouvre un authentique débat dans lequel il conviendra de séparer la croyance en Dieu et les agissements d’une poignée de simples mortels. Un grand film porté par des acteurs manifestement engagés. A voir absolument !

Robert Pénavayre

Grâce à Dieu
Réalisateur : François Ozon
Avec : Melvil Poupaud, Denis Minochet, Swann Arlaud…
Durée : 2h17
Genre : drame

François Ozon – Eduqué dans la foi catholique
Turbulent certes, mais cet aîné d’une fratrie de quatre enfants va recevoir une éducation tout ce qu’il y a de plus catholique. Titulaire d’une maîtrise de cinéma, il intègre la Fémis en 1990. Il a alors 23 ans. Très vite le jeune François, grâce à ses courts-métrages, va se faire un nom dans le jeune cinéma français. Il attend cependant 1998 pour réaliser son premier long : Sitcom. C’est le début d’une carrière prolifique qui compte à son corpus aujourd’hui une vingtaine de titres. Très peu récompensé à ce jour sur le plan mondial, il vient tout de même, avec le film sous rubrique, de se voir attribuerl’Ours d’argent de la dernière Berlinale. Enfin !


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