Ouvrier au chômage, Steve coordonne les gilets jaunes ébroïciens mercredi 14 novembre 2018. Son mot d’ordre : « Faire trembler le gouvernement qui nous taxe ! » (©Eure Infos / La Dépêche)
À l’approche de la manifestation du 17 novembre 2018, les gilets jaunes se sont retrouvés à Évreux (Eure) pour préparer ce rendez-vous inédit. Un exercice qui balance entre détermination et improvisation !
« C’est le peuple qui se soulève contre un petit roi »
Dans la soirée du mercredi 14 novembre 2018, sur le parking de Cora à Évreux (Eure). À 20 h, Steve grimpe sur le toit d’une Twingo.
Je suis un papa de 38 ans, ouvrier, magasinier, cariste au chômage. Aujourd’hui, c’est le peuple qui se soulève contre un petit roi.
À ses pieds, justement, le peuple des gilets jaunes. Deux cents personnes, environ : infirmière, technicien de laboratoire, chauffeur-routier, employé des Espaces Verts, secrétaire de mairie, mécanicien auto, retraités. La foule est informe, agrégée ou disparate dans ses revendications : « Macron a confisqué le pays », « La classe moyenne est en train de disparaître », « Notre pouvoir d’achat n’arrête pas de baisser », « Les acquis de 68 partent en fumée », « Du Smicard au cadre moyen, on est tous taxés ».
Un inventaire à la Prévert que la hausse des carburants a remis au goût du jour.
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« N’oubliez pas les compresses »
Steve, lui, veut dominer la situation. Au sens propre comme au sens figuré. « Pour être entendu, il faut procéder avec méthode, faire ça intelligemment. » Mais les avis divergent.
Les uns prônent le blocage de la circulation : « Si on veut couper les vivres à l’État, il faut paralyser les routes. » Les autres, plus modérés, invitent à un simple filtrage. Une chose est sûre : les gilets jaunes vont se retrouver samedi, à 7 h 30 pétantes, sur le parking de l’hypermarché Leclerc, à Caër-Normanville.
Ensuite ce sera la surprise. Ce n’est qu’une fois sur place qu’on donnera des directives. Mais pas question de gêner les urgences ou les gens qui travaillent, suggère l’ouvrier sans emploi.
Déterminé, si le besoin s’en fait sentir, à tenir un siège de quatre jours. « Qui est prêt ? » Une dizaine de mains se lève. Prévoyante, une femme d’une quarantaine d’années conseille d’apporter une trousse de premier secours. « N’oubliez pas les compresses et les antiseptiques. » Steve confirme le danger. « Si une personne se présente cagoulée ou avec un foulard sur le visage, n’hésitez pas à la signaler. »
Un samedi noir
Sur le fond, on l’a vu, les récriminations empruntent divers chemins. Mais tous doivent conduire aux carrefours de la colère. Devant Jardiland, Favennec et Cora, par exemple, les autorités prévoient un samedi noir. Et Faubourg Saint-Léger, il se murmure que les gilets jaunes, à pied, pourraient tourner autour du rond-point.
« Il paraît qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail. » Une goutte d’humour dans un océan de ras-le-bol.
Songez qu’une fois qu’on a fait le plein, on n’a plus d’argent pour les sorties, enrage une mère de famille qui, samedi, se déplacera sans ses enfants.
« On ne sait pas ce qui peut arriver. Si on est gazé, pensez au sérum vie. » Pour contourner le danger ou faire diversion, un vieux de la vieille recommande l’usage de CB Talk, « une petite application facile à décharger. » Le guide ébroïcien valide l’option. Satisfait du succès de sa page Blocage Évreux, 2 236 membres recensés. Il est 20 h 30, l’heure pour Steve de redescendre sur terre…