Poser les mains sur les genoux, respirer et se concentrer sur son corps et l’environnement, des élèves et des enseignants de l’académie de Rouen (Seine-Maritime) se mettent à la méditation. Trois à cinq minutes avant le cours, gong et musique zen retentissent pour appeler à ce temps d’introspection.
Une véritable effervescence
Dans l’académie, deux établissements se sont lancés dans la méditation à grande échelle : le lycée des Bruyères et le collège Émile-Zola, tous deux à Sotteville-lès-Rouen.
« Je suis convaincue des vertus positives. Il n’y a pas grand risque à essayer. » Alors Valérie Caminade, chargée de mission à la cellule innovation du rectorat et coach en développement personnel, a accompagné cette expérimentation dans ces deux établissements depuis la rentrée de septembre 2018. Les résultats sont étonnants et encourageants.
VIDÉOS. Près de #Rouen, au collège Émile-Zola les élèves pratiquent la méditation depuis septembre : "Au départ, on avait tout le temps envie de rire et maintenant, plus personne ne parle", témoigne Emma (seconde) @acrouen > https://t.co/c6GOLj5DzS via @76actu pic.twitter.com/O5yPdIKQtG
— Raphaël Tual (@raphtual) March 12, 2019
Au collège Émile-Zola, c’est l’effervescence depuis que Noëlle Tremblais a eu l’idée d’intégrer ce temps de méditation au temps scolaire. « Il n’y a pas de réussite scolaire sans bien-être des élèves et des enseignants », appuie cette enseignante de Sciences de la vie et de la terre (SVT).
Le principal, Philippe Lemasle, a inscrit cette expérimentation dans son projet d’établissement qu’il voulait centrer sur le « bien-être ». « C’était d’abord une classe et là, on en est à une douzaine concernées. J’ai été dépassé », sourit le chef d’établissement.
Devant cette volonté, Valérie Caminade a alors mis l’établissement en lien avec Mathieu Brégégère, instructeur en méditation. Aujourd’hui, 19 enseignants sont formés ou sensibilisés.
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« On avait envie de rire et maintenant, plus personne ne parle »
Déjà, les premiers constats s’imposent. « Souvent, les élèves arrivaient en classe dans un état émotionnel qui n’était pas propice à l’apprentissage. La méditation répond au défaut d’attention de l’enfant », assure Valérie Caminade. Des observations confirmées par Bertille, élève en seconde à Émile-Zola :
Quand on arrive dans la classe, on est agité. La méditation nous rend plus calme.
« Au départ, on avait tout le temps envie de rire et maintenant, plus personne ne parle », reconnaît Emma, sa voisine de classe. Avec les yeux qui pétillent, la prof d’SVT remarque que « dans les dix minutes après la méditation, il y a une qualité de silence… Il y a un truc qui se passe ».
La méditation pleine conscience permet aux élèves d’avoir une transition pour qu’ils soient dans une écoute propice, explique Mathieu Brégégère. Ça leur permet d’accueillir ce nouveau moment, qu’est celui de la classe.
Pour Valérie Caminade, l’explication est scientifique : « Grâce aux neurosciences, on sait que se mettre au calme permet la mémorisation, entre autres. La méditation rend l’élève plus performant. »
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Des bienfaits sur les enseignants
Mais les bienfaits se font aussi ressentir côté enseignants. Julien Perbost, professeur de philosophie au lycée des Bruyères, planche sur l’idée d’introduire la méditation avec ses classes depuis 2015. Le rectorat a souhaité l’accompagner. « On s’est dit que c’était préférable de le mettre en place à l’échelle d’un établissement et de ne pas se limiter à une classe », se souvient Valérie Caminade.
De façon concomitante, alors qu’Émile-Zola expérimentait le procédé sur des élèves, le lycée de la rive gauche a mis en place des formations pour ses enseignants, avec toujours Mathieu Brégégère à la baguette.
Mardi 5 mars, l’instructeur est intervenu pour une nouvelle séance de formation, avec les professeurs comme cobayes. « Ces cinq minutes quotidiennes sont primordiales pour notre bien-être. La méditation, c’est s’inscrire dans le moment présent, explique Mathieu Brégégère. C’est une profonde détente, sans objectif à atteindre. »
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« J’ai une plus grande tolérance à l’échec »
Grâce à cette formation, Nadège, enseignante aux Bruyères, a « l’impression d’avoir repris [sa] vie en main » :
Je n’ai pas plus de temps qu’avant et j’ai les mêmes contraintes, mais je le vis mieux.
Pour Alain, c’est son « attitude en classe qui a changé » : « Je relative les choses. J’essaie d’adopter des attitudes et des façons de parler différentes. » « J’ai une plus grande tolérance à l’échec », reconnaît le prof de philo, Julien Perbost.
C’est bluffant pour tout le monde. Aujourd’hui, 30 enseignants des Bruyères suivent cette formation.
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Des initiatives ça et là
Le lycée des Bruyères et le collège Émile-Zola sont les deux seuls établissements de Seine-Maritime et de l’Eure où la méditation est clairement identifiée. « Mais il est fort probable qu’il puisse y avoir ici ou là des initiatives personnelles de professeurs », concède la chargée de mission de la cellule innovation, Valérie Caminade.
Louise, enseignante dans le premier degré en Seine-Maritime, passe sous les radars du rectorat. Pourtant, cette jeune prof de 30 ans utilise la médiation dans ses classes de la maternelle au CM2, « au retour des récréations ou du repas » :
Les élèves ont besoin de se recentrer et de s’apaiser pour débuter l’apprentissage. Une fois tout le monde détendu, la classe peut commencer.
D’ici à 2020, la cellule innovation et les enseignants volontaires établiront des critères pour mesurer les effets profitables. Mais à n’en pas douter l’expérience sera renouvelée et même amplifiée. Un temps d’échange sur cette pratique a eu lieu à l’école supérieur de professorat et de l’éducation (Espé) de Mont-Saint-Aignan, jeudi 7 mars. De nombreux chefs d’établissement stagiaires étaient présents. « Certains sont venus me voir à la fin pour pouvoir mettre en place la méditation », se réjouit Mathieu Brégégère. Les bonnes ondes se répandent.