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Entre espoirs et craintes, ces Algériens vivent la « révolution » depuis la Normandie

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Lina Doran

Lina Doran est chanteuse à Caen (Calvados). Elle est née en Algérie et est de tout cœur derrière son pays. (©DR)

« Tous les jours, depuis le début du mouvement, quand on se lève le matin, on a la boule au ventre… » Zahra, 46 ans, Dihya*, 53 ans et Anissa*, 50 ans, sont toutes trois originaires de Béjaïa, en Kabylie, une région d’Algérie

Les traits tirés, les trois femmes ont dû mal à dormir depuis le sursaut des Algériens face au cinquième mandat brigué par Abdelaziz Bouteflika. À la suite de ce mouvement, l’homme de 82 ans, qui préside l’Algérie depuis avril 1999, a annoncé ne pas briguer un cinquième mandat, mardi 12 mars 2019. En parallèle, l’homme victime d’un AVC en 2013 a repoussé la date de l’élection présidentielle, prolongeant ainsi son mandat.

Lire aussi : Algérie : et si Bouteflika se maintenait au pouvoir ? Le doute envahit la rue

« On a peur de la suite »

Un premier pas qui inquiète fortement ces trois femmes venues vivre à Caen (Calvados). « J’ai vécu la décennie noire (le terrorisme islamique, ndlr) dans les années 1990. C’était horrible, des femmes étaient violées, des gens disparaissaient, raconte avec émotion Anissa. Tout ça, ça s’est passé après une révolution, comme là. »

Si les trois femmes applaudissent l’union de la marche du 8 mars, elles sont très soucieuses pour la suite. « Vous croyez qu’ils vont laisser tomber comme ça ? Ce sont des voleurs qui sont à la tête de notre pays, ils s’enrichissent avec le pétrole et n’en font profiter qu’eux et leurs proches. Le système est gangrené », assure Anissa.

Lire aussi : Algérie : Abdelaziz Bouteflika renonce à un 5e mandat et reporte l’élection présidentielle

Entre les voleurs et les terroristes

Pour elle, ce soulèvement populaire est très angoissant. « J’ai connu le 5 octobre 1988, j’étais étudiante. C’était sanglant. On n’a rien sans rien. En France, il a fallu, une révolution, un empire et cinq Républiques ! Notre pays est jeune. Et là, il n’y a aucune figure qui émerge pour diriger ce mouvement.

La colère du peuple, c’est bien, mais après ? J’ai peur de la répression.

Dihya, elle, a très peur d’un retour des islamistes. « Nous avons connu les voleurs et les terroristes. Quitte à choisir, je préfère les voleurs car au moins, on peut vivre librement. » 

Dihya, Anissa et Zahra ont encore leurs parents, leurs frères, leurs sœurs, leurs cousins et cousines, leurs amis… qui vivent en Algérie. Et même si elles sont fières de voir grands-parents, parents et enfants défiler pacifiquement, main dans la main, dans les rues de Béjaïa, elles ont la chair de poule pour la suite.

Lire aussi : Le président Bouteflika de retour en Algérie, où la contestation ne faiblit pas

« Que l’Algérie retrouve sa dignité »

chercheur

Azedine Houari, 57 ans, est venu faire un doctorat à Caen en 1986. (©ML/Normandie-actu)

De son côté, Azedine Houari, 57 ans, est porté par l’espoir. Il a quitté sa ville Constantine, en 1986 pour suivre un doctorat en géologie à l’université de Caen. « À la base, je devais passer mon doctorat ici et repartir en Algérie. J’avais déjà un poste réservé. Mon sujet concernait l’aménagement des versants de Constantine, qui sont très instables. »

Mais Azedine Houari a dû renoncer à son sujet et à son retour en Algérie. En octobre 1988, son pays est la proie de l’islam radical. « Je ne pouvais pas revenir, j’ai alors changé mon sujet de thèse. J’ai travaillé sur le pays d’Auge et je suis resté en France. »

Mais le docteur ne rêve que d’une chose : que l’Algérie retrouve sa dignité. « C’est une mafia qui dirige notre pays, ce sont des gens cupides qui croient que le pays leur appartient, assure-t-il. Mais aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, les langues se sont déliées et tout le monde sait tout. Les Algériens ne sont plus dupes. »

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« Une révolution des consciences »

Pour Azedine Houari, cette révolution « est une révolution des consciences » :

Cela fait 20 ans qu’ils mentent, on veut que ces gens-là dégagent. Ils ont sucé les richesses de notre pays. La vie actuelle des Algériens est terrible, que ce soit au niveau de la santé, de l’éducation… Ce n’est plus possible.

Azedine Houari veut faire arrêter cette « mascarade ». « Il faut mettre en place un gouvernement transitoire choisi par le peuple pour organiser des élections libres et démocratiques. Si l’on fait ça, 50 % des intellectuels qui fuient le pays depuis les années 1990 reviendront, c’est sûr. »

S’il a des craintes, Azedine Houari veut être confiant et espère que son pays de cœur est en train de tourner une page de son histoire.

Lire aussi : Algérie : journée cruciale après les manifestations massives, des rassemblements en France

« Ce mouvement, je l’espérais, je l’attendais »

Lina Doran est âgée d’une trentaine d’années. Elle est venue vivre à Caen dans les années 1990, avec ses parents, après avoir échappé à un attentat à la voiture piégée. « J’étais toute petite avec mon père. On a eu de la chance, la voiture a implosé et pas explosé. On a été légèrement blessé, pas plus. »

Les parents de Lina étaient écrivains à Oran. Après cet épisode, ils ont décidé de quitter l’Algérie avec l’aide du parlement international des écrivains.

Lina Doran est chanteuse et elle se produit beaucoup en Algérie. En ce moment, elle enregistre son nouveau disque dans un studio caennais.

Ce mouvement, je l’espérais, je l’attendais. Quand j’ai vu les première vidéos, j’ai eu envie de sauter dans un avion. Je suis tellement fière de voir mon pays se soulever, plein d’espoir. J’en ai encore la chair de poule.

Ses parents sont à Oran. Ils manifestent. « Je suis allée manifester à Paris de mon côté. » Elle a écrit une chanson inspirée par ce soulèvement populaire, Hourya, soit Liberté en arabe. Et elle espère bientôt pouvoir aller battre le pavé à Oran.

• VIDÉO. Hourya par Lina Doran :

Lina Doran "Hourya"

"Hourya" pour mon Algérie libre… Bonne fête à toutes les femmes 🇩🇿🇩🇿🇩🇿 الحرية" #الجزائر"

Publiée par Lina Doran sur Vendredi 8 mars 2019

« Ce gouvernement est trop vieux, archaïque. La jeunesse algérienne, qui compose le pays en majorité, veut du renouveau, de l’espoir et avoir enfin une place dans la société. »

Ces Normands ont le cœur tout entier tourné vers les rues algériennes. Ils vivent la révolution de leur smartphone, sur les réseaux sociaux. Ils retiennent leur souffle, les yeux humides et plein d’espoir, de craintes. Et attendent avec impatience un renouveau.

*Les prénoms ont été modifiés.

Lire aussi : L’Algérie attend la réponse du camp présidentiel aux manifestations massives


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