Avec plus d’une heure de retard, les portes de la cour d’assises d’Évreux dans l’Eure se sont ouvertes ce lundi 3 décembre 2018 sur un homme : Denis Mannechez.
Le prévenu de 56 ans a fait son entrée en fauteuil roulant peu après 14h30, dans un silence de plomb.
Quatre ans après le double meurtre commis au garage Tenzo de Gisors le 7 octobre 2014, l’homme apparaît aujourd’hui considérablement affaibli.
La stature imposante d’un motard à la carrure de rugbyman – qui posait fièrement sur une photo ancienne diffusée avant l’ouverture du procès – a cédé la place à une frêle silhouette assortie d’un visage émacié.
La tête penchée en avant, Denis Mannechez est conduit par son infirmière personnelle jusqu’à la devanture des vitres du box des accusés, inaccessible au regard de l’état du prévenu.
C’est à cette place, que sera jugé au cours des trois prochaines semaines le meurtrier présumé de sa fille Virginie et de l’employeur qui l’hébergeait depuis quatre mois, Frédéric Piard.
Les jurés devront se prononcer sur la culpabilité, ou non, du meurtrier présumé qui entretenait avec sa fille une relation incestueuse dont est né un fils aujourd’hui âgé de 16 ans.
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Il s’exprime avec un ordinateur
Le soir du 7 octobre 2014, Denis Mannechez fait irruption au garage Tenzo de Gisors, plusieurs semaines après avoir été délaissé par sa fille Virginie avec qui il vivait maritalement, subitement partie sans laisser d’adresse.
Le drame est alors l’épilogue d’une histoire incestueuse qui court depuis de nombreuses années déjà : après le double meurtre, le père retourne son arme de poing contre lui.
Il survit à ses blessures dans un état hémiplégique qui promet des audiences hors normes.
Le père incestueux a en effet perdu l’usage de la parole et s’exprime à l’aide du clavier d’un ordinateur qu’il ne peut actionner que par l’usage de la main droite.
Le premier test retentit ce premier jour d’audience dans une atmosphère lourde, dix minutes après l’ouverture du procès : un « bonjour » est prononcé par une voix synthétique qui lit le texte tapé par le prévenu, alors qu’il est retranscrit simultanément sur trois écrans qui surplombent la salle d’audience.
Depuis plusieurs minutes déjà, Betty, une autre fille du prévenu – elle aussi abusée sexuellement par son père et à l’origine d’un premier procès pour inceste en 2012 – est en larme, recroquevillée sur elle-même.
Les minutes qui suivent ébranlent encore un peu plus l’auditoire : Denis Mannechez semble pleurer dans un cri prononcé avec la mâchoire grande ouverte.
Le silence se fait avant que le président de la cour ne prenne la parole pour délivrer une information capitale : le prévenu souffre de « spasmes neurologiques incontrôlés qui ne doivent pas être interprétés comme l’expression d’une émotion ».
Le prévenu très attentif
Si Denis Mannechez ne semble donc pas exprimer d’émotions à l’ouverture de son procès, il apparaît en revanche très attentif aux débats, suivant du regard les échanges et les interventions de son avocat, maître Marc François.
Il communique même une première fois par clavier interposé, en répondant à la question lancée par le président de la Cour, qui lui reproche d’avoir échangé un message sur Facebook avec sa famille, quelque temps après le drame.
Lettre après lettre, et prenant soin de corriger à plusieurs reprises ses fautes d’orthographe, il explique avec de nombreux détails que ce message avait été envoyé « avant d’être mis en examen ».
La scène se prolonge durant plus de dix minutes. Le ton est donné. C’est une première « prise de parole » qui rythme déjà le contexte des audiences à venir qui s’étaleront sur trois semaines en raison de l’état physique de Denis Mannechez.
Il doit répondre du meurtre de Virginie Mannechez avec préméditation et récidive, du meurtre sans préméditation du garagiste Frédéric Piard ainsi que de la détention d’arme prohibée de catégorie B.
D’après plusieurs sources proches du dossier, les audiences devraient s’achever autour du mardi 18 décembre 2018.