
La maire de Pechbonnieu (Haute-Garonne) part en guerre contre la vente d’alcool aux jeunes sur la place du village (©Facebook / Sabine Geil-Gomez)
« Apéro Toulousain », « Apéro Éclair », « Apéro Speed Toulouse »… Très en vue sur Internet, ces sociétés de livraison d’alcool à domicile font fureur dans la Ville rose et aux alentours, notamment auprès des jeunes. Les uns y commandent de quoi se dépanner pour une soirée improvisée, les autres de quoi s’abreuver… jusqu’à plus soif. Un phénomène très en vogue, qui inquiète des élus locaux.
Des libertés avec la loi
Comment fonctionnent ces ventes d’alcool « flash » ? Le principe est simple. Des sociétés vous livrent en un temps record, à plusieurs kilomètres à la ronde, parfois gratuitement à partir d’un certain montant, en alcool, verres, biscuits apéro… et même en glaçons ! Bref, le kit complet. Sauf que si ces ventes sont autorisées pour la livraison à domicile, certains n’hésitent pas à s’affranchir de la loi… Ici, en livrant les commandes sur la voie publique. Là, en vendant de l’alcool à des mineurs… Ce qui est pourtant strictement interdit par le code de la Santé publique.
Coma éthylique au stade
« Ce genre de ventes est devenu fréquent sur la place du village », témoigne Sabine Geil-Gomez, la maire (PS) de Pechbonnieu (Haute-Garonne), aux portes de Toulouse, qui a vu émerger ce phénomène il y a quelques années déjà : « Il y a trois ou quatre ans, un jeune de la commune a fait un coma éthylique au stade, après s’être fait livrer par une telle société. Déjà, à l’époque, j’avais alerté les gendarmes et fait remonter l’information ». Sauf que depuis, rien n’a bougé.
« Un défilé de jeunes qui repartaient avec des poches »
Et à Pechbonnieu comme ailleurs dans l’agglomération, le phénomène de la livraison d’apéro a explosé. Sabine Geil-Gomez a elle-même assisté à un drôle de manège sur la place du village, vendredi 13 septembre 2019. L’élue relate pour Actu Toulouse :
Je dinais avec mon binôme au Conseil départemental, Didier Cujives. Il était environ minuit quand un livreur est arrivé. Il a ouvert la malle de sa voiture, au milieu de la place du village. Et là, on a vu un défilé de jeunes qui repartaient avec des poches. Des majeurs, mais aussi beaucoup de mineurs. Après avoir payé en espèces ou par carte bancaire, ils s’en allaient avec un stock d’alcool commandé sur Internet. Cela a duré trois quarts d’heure.
Nombre d’entre eux sont repartis en voiture. Et pour elle, la coupe était pleine. D’autant que le surlendemain, un drame de la route est survenu à Toulouse, où un jeune homme de 20 ans s’est tué sur le périphérique. S’il n’y a, a priori, aucun lien entre ces deux faits d’actualité, l’élue n’a pu « s’empêcher de faire ce terrible parallèle… » et a rapporté l’histoire sur les réseaux sociaux.
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« Ce genre de ventes est devenu fréquent sur la place du village », assure Sabine Geil-Gomez, la maire (PS) de Pechbonnieu (Haute-Garonne), au nord de Toulouse. (©Facebook)
« Comment pouvez-vous dormir la nuit ? »
Bien décidée à s’attaquer à ce phénomène en pleine expansion, Sabine Geil-Gomez a donc raconté cette « scène surréaliste » sur Facebook, où elle précise que « le vendeur nous a indiqué travailler en toute légalité pour une des sociétés toulousaines vendant de l’alcool à domicile ou sur la voie publique ». Puis elle conclut, en interpellant directement les entreprises en question :
Monsieur ‘le livreur’ et messieurs les inventeurs de ce concept (…), je me demande comment vous pouvez dormir la nuit…
Ce matin, debout, 6h…comme tous les matins, je prends connaissance de l’actualité…un jeune homme de 20 ans est mort…
Publiée par Sabine Geil-Gomez sur Samedi 14 septembre 2019
Elle en appelle au préfet
Interrogée par Actu Toulouse, Sabine Geil-Gomez étaye : « Qu’ils aillent livrer à des adultes qui souhaitent faire la fête, ce n’est évidemment pas un problème. Chacun est libre de faire ce qu’il veut chez lui ! Mais là, ils ne demandent même pas la carte d’identité à leurs clients et livrent à des mineurs, sans scrupule. Il faut que ces sociétés soient mieux encadrées et fassent l’objet d’un rappel à l’ordre ». Sauf que comme elle le soulève, les maires sont impuissants face au phénomène :
Tous les maires prennent un arrêté interdisant la consommation d’alcool sur la voie publique, mais cela ne vise pas la vente (qui est purement et simplement prohibée, ndlr). Quand on connaît les contraintes des cafés, pour qui la vente d’alcool est interdite à partir d’une certaine heure, c’est inadmissible de laisser passer cela !
Pour la maire de Pechbonnieu, « le problème ne peut pas être réglé à notre niveau, mais en haut-lieu. C’est au préfet de la Haute-Garonne de se saisir de cette affaire », argue l’élue, qui a déjà fait remonter la question, via la gendarmerie. « On ne peut pas nous demander de faire de la prévention, et laisser prospérer ces sociétés qui ont pignon sur rue, sur la voie publique. Quand vous êtes élu local, c’est à vous d’aller frapper à la porte pour annoncer les mauvaises nouvelles aux familles », rappelle l’élue, qui entend bien « prendre ses responsabilités » :
Si cela ne suffit pas, je ferai un courrier officiel au préfet, pour appuyer ma requête.