
Les animaux ont inspiré Martine Gasnier ! (©Pixabay).
Les animaux du quartier s’interrogeaient sur la frénésie qui s’était emparée des humains.
Ils les voyaient entrer précipitamment dans les boutiques et en ressortir les bras chargés de victuailles. Les rues brillaient de mille lumières comme un défi aux ténèbres. Il régnait dans l’air une atmosphère d’impatience joyeuse. Ils voulurent savoir et se mirent en quête d’informations.
C’est ainsi qu’ils apprirent que l’on s’apprêtait à fêter le Nouvel an. L’idée leur parut intéressante et ils décidèrent de la reprendre pour leur propre compte.
Éros, président
L’élection d’un comité organisateur de l’événement se révéla indispensable pour éviter d’interminables débats. Éros, le labrador de grande renommée fut choisi pour assurer la présidence. On louait son charisme et sa beauté, qualités indispensables à un chef. Par souci de la parité on confia le secrétariat à Mouchette, une chatte d’un grand savoir.
La trésorerie échut à Trotte-Menu, père de famille nombreuse de souriceaux qui gérait ses affaires personnelles avec un sens insigne de l’économie. Puis une discussion s’engagea sur le lieu des festivités. Les tenants de l’ordre bourgeois souhaitaient investir un salon qui permettrait à tout un chacun, selon ses envies, de mordiller, ronger ou faire ses griffes sur de moelleux coussins.
Les sans domicile fixe préféraient la cave où ils se réunissaient habituellement pour éventrer les poubelles tout en s’invectivant. Les plus faibles, souris et autres sans grade hésitaient. Ils redoutaient un attentat perpétré contre eux par quelque traître. Le président les rassura.
On se réunirait dans sa demeure. On lança les invitations. Le meilleur traiteur de la ville fournirait le buffet, on se ravitaillerait en boissons à la cave la plus chic connue de quelques chiens qui y accompagnaient leurs maîtres.
Ambiance cordiale
Les préparatifs se déroulèrent dans une ambiance des plus cordiales. On vit Mouchette et Trotte-Menu, patte dessus patte dessous, faire les emplettes sous le regard incrédule et méfiant de quelques irréductibles adeptes du chacun chez soi qui prédisaient l’avènement de l’anarchie. Leur émotion fut à son comble quand ils virent défiler un cortège bigarré, chiens de race et corniauds, chats de tout poil et rongeurs surpris d’être là.
On brandissait des pancartes où l’on pouvait voir écrit « Meilleurs vœux à tous » et même parfois « Vive le Président » pour les plus enthousiastes.
Sous les lustres éblouissants du grand salon, le maître des lieux avait fait dresser une table scintillante de cristaux et d’argenterie.
Les rires fusaient et l’on trinquait à un avenir qui verrait le triomphe de la fraternité. Le projet n’irait pas sans sacrifices. Les félins se léchaient encore les babines en s’adressant aux timides souris et les chiens réprimaient leur envie d’aboyer en frôlant les chats.
Martine Gasnier