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Plainte pour violences policières et grève de la faim au centre de rétention de Rouen-Oissel

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Une plainte pour violences policières a été déposée, fin décembre 2018, par un jeune soudanais pour des violences policières qu'il dit avoir subies au centre de rétention administrative de Oissel (Seine-Maritime).

Une plainte pour violences policières a été déposée, fin décembre 2018, par un jeune soudanais pour des violences policières qu’il dit avoir subies au centre de rétention administrative de Oissel (Seine-Maritime). (Illustration ©SL / 76actu)

La plainte déposée fin décembre 2018 par Ali* a été le catalyseur d’une grande colère. Durant 44 jours, le jeune homme âgé de 27 ans a été retenu au centre de rétention administrative (CRA) de Oissel (Seine-Maritime). Dans sa plainte enregistrée à l’hôtel de police de Rouen et révélée par Streetpress jeudi 10 janvier 2019, Ali dénonce « une véritable séance de torture » lors de son transfert à l’aéroport de Roissy, avant qu’il ne soit déclaré inapte au départ par un médecin. Depuis, une grève de la faim éphémère a agité le CRA.

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« Une véritable séance de torture », accuse Ali

« On m’a mis une serviette sur la tête et on m’a donné des coups de pied », témoigne Ali. Le jeune homme de 27 ans revient auprès de 76actu sur la nuit du mercredi 19 au jeudi 20 décembre 2018. Il était en rétention au CRA depuis 44 jours. « Je n’avais pas eu de problème avec la police », assure-t-il : « C’était la première fois… » Cette première fois, Ali la raconte dans sa plainte déposée le 21 décembre, que nous avons pu consulter : 

Il y a cinq policiers qui sont venus me voir, pour me déplacer. Ils m’ont enfermé dans une petite pièce dans le noir. J’ai eu peur, je me suis recroquevillé.

C’est là, selon son récit, qu’une serviette lui est mise sur la tête et qu’il est frappé. Face au policier qui a pris sa plainte, avec l’aide d’un traducteur en arabe soudanais, Ali dit être « tombé sur le visage », dans ce qu’il considère comme « une véritable séance de torture ». Ensuite, il a été emmené vers l’aéroport de Roissy. Sur le trajet, « pas de coup, mais j’étais entravé aux mains, aux jambes et j’avais un bâillon sur le visage », détaille Ali.

Arrivé à l’aéroport d’où il devait être renvoyé vers le Soudan – l’Office français de protection des réfugiés et apatrides l’ayant débouté de l’asile – Ali a essayé de s’enfuir « en voyant les avions ». Rattrapé, il dit avoir été frappé. Pire, raconte-t-il à 76actu : « On m’a mis un morceau de fer dans la bouche, on a voulu me mettre un liquide dans la bouche. » Là, il a perdu connaissance pendant 1h30 : « Je me suis réveillé au CRA de Oissel. »

Ali a déposé plainte pour des faits qu'il date à la nuit du 19 au 20 décembre 2018. Lors de la plainte, la date "a été mal enregistrée par le policier", dit une bénévole qui l'accompagnait.

Ali a déposé plainte pour des faits qu’il date à la nuit du 19 au 20 décembre 2018. Lors de la plainte, la date « a été mal enregistrée par le policier », dit une bénévole qui l’accompagnait. (©DR / Document 76actu)

« Les procédures sont en cours », assure le procureur

Entre deux, à cause de son malaise, un médecin a été appelé et lui a diagnostiqué « un problème au cœur », selon Leïla*. La bénévole l’a accompagné au commissariat pour déposer plainte pour « violence par une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours ». Une plainte qui aurait été difficilement acceptée. « Ils ont tout fait pour le décourager », accuse la bénévole. 

Selon Ali, deux jours d’interruption totale de travail lui ont été notifiés par le médecin du Centre d’accueil spécialisé pour les agressions, au CHU de Rouen. « Ce qui ne prend pas en compte le traumatisme psychologique », appuie un militant du collectif La Chapelle debout. L’examen a eu lieu jeudi 27 décembre 2018 et les constatations du médecin légiste ont normalement été versées au dossier qui sera transmis au parquet.

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Pour les faits de Oissel et de Roissy, deux plaintes différentes ont été enregistrées. « Concernant le CRA, les procédures sont en cours », a indiqué à 76actu le procureur de la République de Rouen. Pascal Prache n’a pas détaillé la nature des investigations, ni si l’Inspection générale de la police nationale avait été saisie.

Une source des services de l’État au fait du dossier a démenti la véracité du témoignage d’Ali. Député PCF de Oissel, Hubert Wulfranc a réclamé à la préfète l’ouverture d’une enquête « pour établir l’ensemble des responsabilités, si les agissements signalés s’avèrent exacts ». Dans son courriel au secrétaire général de la préfecture, Hubert Wulfranc écrit avoir été saisi pour « des actes inutiles et humiliants » infligés aux retenus. 

Grève de la faim « très suivie » et « situation qui se dégrade »

Selon Me Solenn Leprince, avocate rouennaise spécialiste en droit des étrangers, « la situation se dégrade à Oissel ». Des collectifs et bénévoles, partisans de la fermeture totale des CRA et de la fin des expulsions, ont entrepris de compiler des témoignages de sans-papier retenus, notamment à Oissel, pour enclencher des actions pénales qu’elles espèrent suivies d’effets. Le militant de La Chapelle debout explique :

Pour nous, le cas d’Ali n’est pas isolé, mais systémique des violences policières en CRA.

Ce militant, comme Leïla, est en contact avec Samir*, un autre retenu qui fait part de violences qu’il aurait subies à Oissel. « Il a passé six jours en isolement, dont trois attaché, au sol, sans nourriture », selon les deux militants. Il envisage de déposer plainte, à sa sortie du CRA. Comme pour les violences policières relatées par Ali, deux versions s’affrontent : la préfecture qui dément contre les collectifs qui dénoncent. Contactée, la direction du centre de rétention administrative n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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Deux lettres ouvertes de retenus, publiées les 7 et 13 janvier 2019 sur des sites militants, parlent d’un centre « en mauvais état », de « la nourriture immonde » et des policiers qui « ne nous respectent pas ». Pour protester contre leurs conditions de rétention, la quarantaine de retenus de Oissel a entamé une grève de la faim, vendredi 11 janvier, qui s’est achevée le lendemain. Cela fait suite à deux mouvements similaires qui ont été lancés dans les CRA de Vincennes (Val-de-Marne), du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) et de Sète (Hérault), a listé L’Humanité.

Reconnaissant un mouvement « très suivi » au premier repas, la préfecture explique cette grève éclair par le poids qu’aurait Samir, « leader d’une des communautés craint par l’autre communauté », les retenus de pays africains face à ceux de l’Europe de l’Est. Cette source préfectorale assure avoir « récemment visité » le CRA. Un droit de visite que n’exclut pas d’utiliser le député Hubert Wulfranc. Selon nos informations, une action en justice doit être engagée au sujet d’autres faits de violences commis dans des CRA : « Ça va bouger. »

* Les noms des protagonistes ont été modifiés pour préserver leur anonymat.


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