42 pages gribouillées en une petite dizaine de jours. 42 pages de colère, de souffrance, de coups de gueules et de propositions diverses et variées. Le cahier de doléances de la ville de Saint-Malo, installé à l’accueil du Guichet des associations, square des Caraïbes, dans le quartier de La Découverte, est le reflet écrit des discours entendus autour des ronds-points tenus par les Gilets jaunes.
On y réclame beaucoup « l’abandon de la CSG pour les retraités », la mise en place du « RIC (Référendum d’initiative citoyenne) », le « rétablissement de l’ISF », « l’augmentation du Smic, des retraites et du pouvoir d’achat ».
Les politiques pris pour cible
On pointe aussi beaucoup du doigt la classe politique. Ah ces politiques qui jouiraient « de privilèges et d’avantages scandaleux ». Ils sont bien trop nombreux, dites-vous. « On supprime le Sénat et on garde 2 députés par département », propose Michel sur l’une des 19 pages du cahier de propositions installé à l’accueil de la mairie de Saint-Jouan.
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Et « on arrête de verser un salaire aux anciens présidents », grogne Caroline. Les sénateurs qui ne serviraient à rien et les anciens chefs d’État trop chouchoutés : voilà deux thématiques qui viennent et reviennent. Le vote blanc aussi est réclamé. JJ, lui, veut qu’on abandonne « notre bonne vieille constitution créée par De Gaulle et plus adaptée à notre monde actuel ».
« Je ne vis pas, je survis »
Et puis, il y a les messages plus personnels, plus douloureux. « Je ne vis pas, je survis avec 860 euros de retraite chaque mois », confie Jacques.
« Moi, je ne touche que 1 100 euros par mois après avoir cotisé pendant 44 ans ».
Et ce n’est pas ce « banquier en culotte courte » qu’est Emmanuel Macron qui va arranger les choses, nous dit cette retraitée malouine.
Les moins jeunes d’entre nous sont souvent mentionnés. « On veut de la dignité pour nos anciens qui sont en Ehpad ». Un message recommande même « aux écoliers de visiter les personnes âgées ».
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De la solidarité oui, mais ciblée. « Il faut choisir notre immigration », dit l’un. Il faut « renvoyer dans leurs familles les mineurs étrangers isolés », dit un autre avant de dérouler un programme que n’aurait pas renié Marine Le Pen.
Les impôts et taxes
L’impôt, encore et toujours, revient sur le tapis. Il y en a trop, en substance. Difficile pourtant de plaider pour une société plus juste, plus sociale, sans ce fameux impôt si décrié. Alors faisons « le ménage dans les niches fiscales » suggère Jean-Yves. D’autres proposent un impôt « moins inégal ». Plus « transparent dans son utilisation ». Et tant qu’à faire… « alignons les retraites du privé sur celles du public ». À moins que ce ne soit l’inverse. Et puis, arrêtons de démanteler le service public dans les campagnes, nous dit une habitante de Saint-Guinoux.
« Aberration économique »
Difficile le plus souvent de connaître le profil de celles et ceux qui se cachent derrière ces plumes teintées d’amertume.
Certains s’affichent pourtant. Comme Audrey, commerçante à Saint-Jouan, qui souhaite l’instauration « d’un revenu universel à 1 200 euros ». Ces collègues jouannais, membres du collectif des petits patrons et artisans de Saint-Jouan, ciblent pour leur part la taxe Cahuzac « qui soumet les dividendes des SARL à gérant majoritaire aux cotisations sociales ». Une « aberration économique », disent-ils encore à travers la copie d’un courrier déjà partagé ailleurs en France. Cette taxe « étouffe littéralement les TPE, poumons économiques de nos territoires ».
« Nos TPE sont plus de 3 500 000 en France, et c’est forcément par nos petites entreprises que sera résolue la question dramatique du chômage. Imaginez que chacun d’entre nous n’embauche ne serait-ce qu’une personne supplémentaire… »
Et imaginons que la réponse à une société meilleure soit dans ces fameux cahiers de doléances ? On l’espère tous finalement.