Après deux semaines d’examen, les sénateurs ont largement modifié le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises).
Le 30 janvier 2019, ils sont notamment revenus sur l’interdiction de la fin de la vente de certains éléments en plastique, dont les pailles, certains couverts ou encore des bâtonnets mélangeurs, prévue pour le 1er janvier 2020.
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Le Sénat s’aligne sur l’Union européenne
Estimant le délai trop court pour s’adapter, une majorité de parlementaires ont adopté un amendement repoussant cette interdiction d’un an, au 1er janvier 2021. Anticipant la prohibition, de nombreuses entreprises ont déjà sauté le pas malgré le report de l’échéance.
Les sénateurs ont argumenté leur vote par le fait de s’aligner sur la date prévue par une directive européenne, qui doit être transposée dans le droit français dans le courant du premier semestre 2019.
Une décision qui a fait bondir cinq ONG, Surfrider Foundation Europe, Zero Waste France, Cantine sans plastique, No plastic in my sea et Bas les pailles. Dans un communiqué commun, elle appellent les parlementaires à ne pas reculer face à la pollution plastique.
Hier lors de la première lecture du projet de Loi Pacte, les sénateurs ont adopté un amendement qui signe un recul dans la lutte contre la pollution plastique #SurfriderEurope #SingleUsePlastics @ZeroWasteFR @CaSPFrance @noplasticfrance @baslespailles https://t.co/q1okFpLFRN
— Surfrider Europe (@surfridereurope) February 1, 2019
« En adoptant un tel amendement, les sénateurs ont fait le choix d’une application « a minima » de la Directive européenne relative au plastique à usage unique, ont-elles dénoncé unanimement.
Ainsi, la définition claire de ce qui constitue un produit plastique à usage unique telle qu’adoptée en droit européen n’est pas retenue et les exemptions pour les plastiques compostables sont maintenues. Surtout, en introduisant un amendement “par surprise”, dans une loi non dédiée au sujet, les sénateurs privent la France d’un véritable débat sur les mesures à prendre pour endiguer la pollution plastique et opérer la transition vers une économie circulaire.
La disposition sénatoriale maintient en revanche l’interdiction au 1er janvier 2020 des gobelets, verres et assiettes jetables en plastique.
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Vidéo. « Il faut que nous arrêtions le plastique-bashing », déclare Olivier Cigolotti (Union centriste) :
Des menaces sur l’emploi ?
Pour le Sénat (à majorité de droite), « la liste des produits visés a pour une large part été étendue par la loi « Egalim » sans que n’aient été examinés ni l’impact pour un certain nombre d’entreprises et d’emplois en France, ni l’articulation avec les textes européens.
On estime ainsi qu’environ 1 500 à 2 000 emplois sont menacés par l’entrée en vigueur de ces nouvelles interdictions, en raison notamment du délai très court entre leur adoption et leur entrée en vigueur (quatorze mois). Il s’agit notamment d’entreprises de la plasturgie, PME et ETI en très grande majorité, implantées dans différents territoires, pour lesquelles il sera très difficile, sinon impossible, de s’adapter aux nouvelles contraintes dans le délai fixé par la loi française.
Ces modifications à la loi Pacte ne sont pas définitives puisque l’Assemblée nationale pourrait avoir le dernier mot lors de la réunion prochaine d’une commission mixe paritaire (CMP).
Le Sénat recule aussi à la cantine
Dans le même amendement voté fin janvier, les sénateurs ont limité l’interdiction de contenants alimentaires en matière plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires aux seuls usages de cuisson et de réchauffe. Les sénateurs ont donc supprimé l’interdiction de leur emploi pour le service. Cette « contrainte » a été jugée, « excessive » et « non justifiée sur le plan sanitaire ».
Carrefour ne vend déjà plus de pailles
Certains industriels n’attendent heureusement pas les politiques pour avancer sur la question. Dans la grande distribution, le groupe Carrefour a annoncé mi-janvier 2019 l’arrêt officiel de la vente des pailles en plastique dans ses magasins.
Au printemps 2018, l’entreprise avait annoncé son objectif d’atteindre les 100% d’emballages recyclables, réutilisables, ou compostables pour les produits à la marque de l’enseigne d’ici 2025, en France ». Franprix est aussi passé l’action le 1er janvier 2019.
Fini les pailles en #plastique ✊
Nous arrêtons officiellement d'en vendre dans nos magasins, un an avant l'obligation française ♻🌍 pic.twitter.com/3e6eM4sJpU
— Carrefour France (@CarrefourFrance) January 17, 2019
L’an passé, McDonald’s a également lancé des tests pour bannir les pailles en plastique de ses restaurants. La chaîne hôtelière Hilton avait quant à elle annoncé la fin des 5 millions de pailles et des 20 millions de bouteilles en plastique servies chaque année dans ses 650 établissements. Plus récemment, KFC a annoncé la suppression progressive des pailles dans une nouvelle campagne de publicité.
KFC dit adieu aux pailles en plastique dans sa nouvelle campagne https://t.co/IBGOuaAo0V pic.twitter.com/qrfNb2dCjB
— Dans Ta Pub (@DansTaPub) January 23, 2019
Une réaction en chaîne qui intervient après la publication d’une étude consternante de la revue américaine Science : huit millions de tonnes de débris plastiques seraient en effet déversées tous les ans dans les mers du globe, l’équivalent de 250 kilos par seconde.
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Il existe des alternatives au plastique
Partenaire de l’association Surfrider, la start-up Lespailles.com commercialise depuis plusieurs mois des pailles jetables et réutilisables. « En avocat, en paille de blé, en bambou… », énumère sa cofondatrice Honorine Leconte.
La micro-entreprise, qui fait déjà travailler une dizaine de personnes, reçoit des dizaines de demandes chaque semaine. « Des bars, des restaurants, mais aussi des grands groupes », précise la gérante. Se fournissant essentiellement en Europe, le grossiste déplore d’ailleurs un manque d’information auprès des professionnels de toutes les alternatives aux pailles en plastique.
Concernant le report de l’interdiction, Honorine Leconte estime que la transition est déjà en route et que les industriels déjà convaincus ne feront pas machine arrière. Lancés sur un rythme bien plus rapide qu’un train de sénateurs.
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