Le sous-préfet de Guingamp était en visite dans l’ancien canton de Belle-Isle-en-Terre, lundi après-midi. Objectif : prendre le pouls sur le terrain, auprès des différents acteurs du territoire. Ce en compagnie d’une copieuse brochette d’élus, des maires des communes alentours aux parlementaires. Sur le plan agricole, un résumé très concret de la situation lui a été fait lors de la visite du Gaec de Keramelin, à La Chapelle-Neuve.
« La situation s’est empirée dans certaines fermes »
Sur place, Jean-Paul Prigent, maire de la commune, vice-président de la CdC et président de Sodiaal, a expliqué à la délégation que la situation est toujours aussi catastrophique aujourd’hui pour les éleveurs, même si les feux sont éteints dans les campagnes. « Il y a un temps mort dans les manifestations, mais ça risque de redémarrer. Rien n’a changé depuis. Les actions du mois de février ont permis d’éviter le pire, c’est-à-dire de descendre à 240 ou 250 € les 1 000 litres de lait. Mais cela ne subventionne en rien le problème de fond qui est la surproduction européenne », souligne Jean-Paul Prigent. Selon lui, « si on accepte de continuer à produire comme on le fait actuellement en Europe, c’est qu’on accepte de dire qu’on va perdre 20 % des producteurs laitiers demain ».
Un goût amer aussi dans la bouche des agriculteurs qui accueillaient les élus lundi. Ils sont trois associés à faire tourner l’exploitation familiale : Virginie, son mari Stéphane ainsi que son frère Thierry. « Les manifs n’ont servi à rien. La situation est même encore plus catastrophique que début janvier… ». Les paysans se disent « dans l’impasse » et constatent devant le fait accompli, que « c’est l’Europe qui fait bouger les choses, au niveau national ils ne peuvent plus rien faire ». Ils évoquent le prix du lait, 27 centimes le litre, et font ce terrible constat : « 80 % des producteurs de lait ont un coût de production supérieur à 300 € les 1 000 litres. Ils produisent donc à perte, en sachant que le point d’équilibre est à 350 €. Pour certains, il manque 100 € aujourd’hui ! »
Retourner manifester ? Remonter des barricades, rallumer des feux ? Les paysans de la Chapelle-Neuve n’y croient plus. « On a la quarantaine tous les trois. On a encore 25 ans à faire et on ne sait même pas comment sera l’année prochaine ». Difficile d’avoir des projets dans ces conditions. Ils mettent alors sur la table un devis de 500 000 € pour un projet de bâtiment destiné à améliorer le bien être animal, dans une exploitation qui a déjà essuyé un paquet de mises aux normes… Dépités, ils murmurent : « C’est l’atelier taurillons qui nous sauve aujourd’hui. » Et demain ?